Chère Lectrice, chère Lecteur,
Vous sentez-vous capables de marcher quelques heures en montagne, monter un campement dans les bois, faire un feu et vous nourrir, passer la nuit dans une tente et rentrer le lendemain ?
Comment préparez-vous votre itinéraire ?
Etes-vous généralement confortable, ou souffrez-vous du froid ?
L’arrivée d’un orage vous gêne-t-elle ?
Comment faites-vous caca dans les bois ?
Si comme moi vous vous posez ce genre de questions existentielles de temps en temps, vous comprendrez mon envie d’aller bivouaquer dans les bois un samedi soir il y a quelques semaines.
Dans cette lettre, la deuxième partie de ma micro-aventure dans les environs de Leysin.
Une balade bien planifiée
Le but principal étant essentiellement de camper dans les bois, j’avais volontairement prévu une balade relativement courte, soit environ 13km et un peu moins de 1000m de dénivelé. Nous avons ainsi pu partir en début d’après-midi depuis Leysin.
J’ai planifié l’itinéraire (prévision de la longueur, du dénivelé et du temps de marche) grâce à l’application swisstopo sur Android (je vous en vante les mérites dans une autre lettre !).

Le chemin choisi nous emmène le long des remontées mécaniques (bof !) jusqu’à la hauteur du lac de Mayen, puis nous avons traversé jusqu’en direction de la Pierre du Moellé, en passant sous la Tour de Famelon (nettement mieux !).
Cette région karstique est quasi-mythique pour moi, car j’y ai passé beaucoup de temps avec mon père lorsque j’étais petit, et j’ai toujours plaisir à y retourner quelle que soit la saison.
Notre itinéraire du samedi s’achève dans une petite clairière à l’abri des regards, au pied du Mont-d’Or (à proximité de la place de tir de l’Hongrin : n’essayez pas d’y aller pendant la semaine !).

L’importance du feu
Malgré le vent qui se lève, et les premières goutent qui commencent à tomber, j’arrive facilement à allumer un petit feu, que nous alimenterons durant la soirée avec le bois récolté aux alentours. Avec nos scies pliantes, Davide et moi accédons rapidement à du bois sec de bon diamètre, que je peux réduire en buchettes plus petites par batonnage.
Notre foyer me permet de faire chauffer de l’eau dans ma popote, que j’utiliserai pour mon repas lyophilisé, et pour ma traditionnelle tisane du soir.
Le feu est toujours un élément psychologique prépondérant de mes activités dans les bois. J’essaie toutefois de minimiser les traces de mon passage, et prends soin à chaque fois de décaper la couche de végétation sur quelques centimètres, afin de reboucher le foyer après utilisation.
J’applique des principes proches pour la gestion des excréments. C’est important à mes yeux, d’abord pour des raisons de politesse envers les autres utilisateurs de la nature, mais également pour des raisons sanitaires. Je reviens sur ces détails dans un autre message, et vous y parle des principes à appliquer et du « backcountry bidet ».
C’est l’heure de se coucher
Chassés par l’orage, nous allons chacun nous coucher chacun dans notre abri, et tentons de nous endormir malgré la pluie battante.
Je suis confortable dans ma tente (c’est une tente deux place, mais à moins d’1 kg, la place en plus vaut la peine d’être transportée !). Malgré la température qui fraîchit au cours de la nuit, je reste bien au chaud sous mon quilt. Je porte des sous-vêtements thermiques en mérinos, avec un petit bonnet sur la tête.
Malgré tout, je dors mal, vu le boucan que fait l’orage. Je me fais la remarque qu’il doit exister un « effet toile de tente » qui tend à faire surestimer l’intensité de la pluie à cause du bruit sur la toile tendue.
Un réveil brutal !
L’orage se calme vers 2h du matin, mais je suis alors réveillé par un cri rauque et guttural ! Mon cerveau reptilien met mon corps en mode alerte, avant que mon cerveau rationnel reprenne le dessus et fasse l’analyse que c’est la saison du brâme du cerf. Nous avons droit à un concert de mâles en rut pendant quelques heures. C’est sympa, mais ça n’aide pas à dormir non plus.
A 6h du matin, durant une accalmie, mon instinct me dit de me lever, de plier le camp et de dégager avant que la pluie ne revienne. Je tire du lit mes compagnons, et en une vingtaine de minutes nos affaires sont pliées. La tarp rend à nouveau grand service, puisqu’elle permet de garder une zone sèche pour refaire les sacs quasiment jusqu’à la fin.

Mon site météo favori (Meteoblue) indiquant une aggravation de la perturbation, nous décidons de redescendre sur le Sépey pour y prendre le bus afin de rentrer à Aigle. Ayant rangé nos affaires sans déjeuner, nous marchons encore 2h20 à jeun avant d’atteindre le village. Un chocolat chaud pris au bistrot du coin en attendant le bus sera fort réconfortant.

Il est souvent difficile de dormir d’une traite en milieu sauvage.
Par rapport au silence et au confort d’une chambre à coucher, la nature est pleine de bruits et de surprises. Notre cerveau aura tendance à nous réveiller périodiquement pour contrôler instinctivement qu’il n’y a pas de danger.
Avoir un bon abri est essentiel pour rester au chaud et au sec, et pouvoir se reposer efficacement pendant la nuit.
Cette micro-aventure n’est pas un exploit sportif exceptionnel. Néanmoins, ce genre de sortie est idéale pour tester votre matériel, et vous mettre en conditions « hors maison ». Vous pouvez en faire plusieurs à fréquence rapprochée, ajuster différents paramètres, et être ainsi prêts pour de plus longues aventures ou pour tout départ impromptu avec votre bug-out bag.
Allez dehors et essayez !
Sylvestre Grünwald
