Chère Lectrice, cher Lecteur,
Ce week-end, ma compagne était malade. Elle voulait faire la sieste tranquillement samedi après-midi, et m’a donc gentiment mis à la porte après le repas de midi avec nos deux enfants, sous prétexte de nous envoyer aller chercher des branches de sapin et de houx pour décorer la couronne de l’Avent.
Comme à peu près chaque fois que je sors en forêt avec mes enfants, j’en ai profité pour monter un petit campement et essayer d’allumer un feu.
Cette fois-là, j’ai décidé d’améliorer un peu mon camp en construisant un réflecteur derrière le feu. Et j’ai subi une nouvelle fois une des lois imparables de la construction de feu : on n’est pas toujours assez bien préparé !
Je vous décris ici cette micro-aventure.
Mon terrain de jeu
Je suis parti vers 14h00, en embarquant mes deux gamins, Sidonie (6.5 ans) et Corentin (3.5 ans) dans la voiture. Nous sommes montés dans la forêt au-dessus de mon domicile, à environ 10 minutes de route. C’est un de mes terrains de jeu et d’exploration bushcraft favori avec les enfants, car ce n’est vraiment pas loin de la maison, on est donc vite rentré en cas de soucis, et j’en connais bientôt chaque recoin et chaque ressource.
En plus, vu la météo pourrie (3°C, mélange pluie-neige), j’étais à peu près certain que nous ne croiserions pas âme qui vive de tout l’après-midi-là en-haut
La préparation
Temps froid et humide, donc ! Je m’attendais à ce que la neige tombée le matin ait partiellement fondu, et que le sol comme la végétation soient détrempés. Pour le bas, j’ai équipé tout le monde avec des collants en mérinos sous des pantalons d’extérieur, le tout protégé par des pantalons de pluie. Pour le haut, pareil : t-shirt à manche longue en mérinos, pull chaud et veste de pluie, avec tour de cou et bonnet.
Pour ma part, j’ai toujours mon kit « habits du dehors » à portée de main juste à côté de mon lit. J’aime bien les pantalons « techniques » Fjällraven, Helikon ou UF Pro, mais pour le haut je reste attaché au gros pull en laine.
Nous n’avions pas des masses de temps à disposition, donc je suis directement parti avec un thermos de thé. Pas l’intention de faire bouillir de l’eau ou de préparer un chocolat chaud aujourd’hui.
Et j’ai pris une tarp, bien évidemment. Ma tarp standard fait 3m par 3m pour environ 500g, et je peux réaliser de nombreux montages différents, selon les besoins.
Le site
Le but cet après-midi-là n’était pas de faire de la grande randonnée. On a donc marché à peine 10 minutes depuis le parking au bout de la route forestière, avant d’arriver dans une zone relativement plate, dans une forêt de résineux. Je savais que j’y trouverais des épicéas et des sapins Douglas (et du houx, pour la couronne !).
Quel montage choisir ?
J’ai rapidement trouvé deux sapins de bonne taille espacés d’environ 5m, entre lesquels j’ai tendu ma ligne principale. Je l’ai fixée d’un côté avec un Siberian hitch (dont je vous parle dans une autre lettre), puis je l’ai tendue avec un trucker’s hitch.
J’ai ensuite pu fixer ma tarp sous la ligne principale. Pour ce faire, j’utilise des « evoloops » en cordelette polyester que j’ai épissuré moi-même (je vous décris aussi tout ça dans une autre lettre !). Je les utilise à la place de mousquetons. Je mets ensuite la tarp en tension sous la ligne principale grâce à des nœuds de Machard, puis je plante des sardines dans les trois boucles de chaque côté pour former un abri en « Ʌ » sous la ligne.
Comment améliorer le confort du camp ?
Pour nous isoler du sol froid et humide, j’ai toujours une « footprint » de marque MSR et des petits coussins de sol gonflables dans mon sac de bushcraft.
Sortir en nature avec des enfants requiert un petit peu de matériel en plus, parce qu’ils sont vite misérables (et pénibles) quand ils ont froids ou sont mouillés. Mais j’avoue avoir moi aussi pris goût aux coussins de sol. Transporter 120g en plus pour avoir les fesses bien au chaud ne me gêne plus (c’est peut-être parce que j’ai bientôt quarante ans…).
J’ai donc disposé la footprint et les coussins de sol sous la tarp, bien au sec. J’ai sorti une couverture de mon sac. J’avais ainsi un abri prêt pour accueillir mes enfants dès qu’ils en auraient marre de tourner en rond sous les arbres.
J’avais aussi envie de profiter de cette sortie pour tester un truc : le réflecteur à feu. Il s’agit de construire une barrière derrière son feu, à l’opposé de son abri, pour refléter la chaleur des flammes.
Il faut comprendre qu’un feu de camp diffuse sa chaleur sur 360°, et qu’assis face à celui-ci, on n’occupe que quelques degrés du cercle. Une grande partie de la chaleur par rayonnement est donc perdue !
En positionnant un réflecteur derrière son feu, on va ainsi renvoyer la chaleur sur la moitié du périmètre en direction de son abri.
On pourrait même compléter ceci en installant une couverture de survie derrière soi, pour refléter la chaleur en retour depuis l’arrière. Je n’ai pas encore testé ce montage.
Que vous faut-il pour fabriquer un réflecteur ?
Un réflecteur, c’est simplement une paroi verticale composée de rondins empilés les uns sur les autres. Pour qu’ils tiennent bien droit, il faut les coincer entre des poteaux de support.

Pour les rondins, un vieux tronc pourri de 12 à 15 cm de diamètre fera parfaitement l’affaire. Pas besoin de bois de qualité ! En fait, cela m’a bien aidé qu’il soit pourri, car j’ai pu en casser de grands tronçons de plus d’1m50 simplement en tapant dessus avec le pied.
Pour les poteaux, j’ai pris ma scie pliable, et j’ai découpé quatre tronçons bien droits d’environ 1m20 de haut pour 4 à 5 cm de diamètre dans un autre tronc plus fin, celui-ci fraîchement tombé. Je les ai ensuite enfoncés dans le sol, en tapant dessus avec un gros caillou trouvé à proximité. Je les ai positionnés de part et d’autre du premier rondin, le plus long de la série obtenue dans le vieux tronc pourri.
J’ai ensuite empilé les morceaux de tronc entre les poteaux, en les classant du plus long au plus court.
Pour garantir que le tout tienne correctement, j’ai finalement fait une ligature entre les poteaux, deux par deux, avec de la ronce trouvée par terre.

Pourquoi il est très important de bien se préparer pour allumer un feu
Une fois tout ceci bien en place, j’ai enfin pu me consacrer à l’allumage du feu.
Je vous le dis tout de suite : j’ai foiré mon premier essai ! J’ai commis une erreur classique, que je fais encore de temps en temps quand je ne suis pas pleinement concentré (si vous avez des enfants en bas âge, vous saurez de quoi je parle).
J’ai trouvé assez facilement du bois sec en fendant en quatre puis en huit des grosses branches, j’ai trouvé quelques brindilles de sapins relativement fines, et j’avais bien évidemment avec moi de l’écorce de bouleau, du fatwood et de la poix dans mon kit à feu.
Mon erreur, c’est de ne pas avoir assez récolté de bois fin. Mon tas de bouleau et de poix a bien pris feu et a tenu quelques minutes. Mais la taille des branches suivantes n’était pas assez fine pour avoir le temps de prendre correctement.
J’aurais peut-être pu sauver le coup en retaillant des brindilles pendant les quelques minutes de flamme donnée par la poix, mais à ce moment-là…Corentin a eu besoin de faire caca !
Je vous passe les détails de comment j’ai dû lui essuyer les fesses avec de la mousse et des feuilles mortes parce que j’avais oublié de prendre des mouchoirs ! Je vous reparlerai certainement une autre fois de la gestion des excréments en pleine nature.
Par chance, lors de cet interlude, j’ai réalisé que le trou que j’avais creusé pour qu’il défèque était au pied d’un magnifique sapin Douglas, dont les premières branches à 2m au-dessus de sol étaient bien sèches et chargées en résine.
J’ai pu rapidement les débiter en bâtonnets fins, et n’ai alors eu aucune peine à faire partir mon feu pour de bon.

J’ai ainsi pu installer mes deux petits confortablement au sec et au chaud et profiter de la chaleur du feu, reflétée par cette paroi improvisée !

Et vous savez quoi ? Finalement, j’ai même pensé à ramener des branches de sapins et du houx pour la couronne de l’Avent !
Allez dehors et essayez !
Sylvestre Grünwald
