Chère Lectrice, cher Lecteur,
Je vous ai précédemment parlé du Schnitzel Du, un couteau pour toutes petites mains que j’ai offert à ma fille de 7 ans.
Aujourd’hui, on part totalement à l’opposé avec le Skrama 240 de Terävä, dont j’ai récemment fait l’acquisition.
C’est un véritable monstre, un des plus gros couteaux que je possède !
Après quelques jours d’utilisation, je vous donne mon avis sur cette bête.
La marque
Terävä est la ligne de couteau de Varusteleka, un magasin (online et physique) de surplus militaire finlandais.
Je suis tombé sur Varusteleka un peu par hasard en surfant sur internet. Je n’avais jamais entendu parler d’eux avant, mais j’ai très vite été séduit par leur état d’esprit : complètement décalé !
«What does this Varusteleka mean? Varusteleka is obviously Finnish and comes from « varuste », which means equipment or gear, and « leka » which stands for, among other things, a sledgehammer or a bottle of booze»
Varusteleka a été fondé en 2003 par Valtteri Lindholm, suite au constat que le matériel de surplus militaire finlandais était vraiment pourri. Sur un coup de tête, Valterri emprunte 1000 euros, et commence à acheter tous les stocks de surplus de la Bundeswehr et de l’US Army qu’il peut trouver. Il crée un petit shop en ligne bien organisé, et vend également du matériel en direct depuis un vieux van rouillé.
Fast-forward vingt ans plus tard, et Varusteleka emploie maintenant près de 60 personnes, gère plus de 250’000 commandes par années sur plus de 83 pays, et est devenu un des plus gros magasins de surplus militaire d’Europe.
Grâce à ce développement Varusteleka peut maintenant commercialiser son propre matériel, développé en interne ou désigné dans le cadre de partenariats.
Voici les marques de Varusteleka :

- Jämä est une gamme « laboratoire créatif » ou la marque reprend des surplus militaires et les retaille ou les recouds pour les rendre plus sexy (p.ex un veste en couverture militaire ou un kilt en carré-mat camouflage)

- Terävä est leur marque de couteaux. Et pour vous montrer comme ces finlandais sont barrés, voici comment ils illustrent la page web de leur shop consacrée aux couteaux :

Le bingo de la mi-été
Un autre exemple du côté très décalé de cette marque qui m’a séduit : le bingo de la mi-été.
Lors du weekend de la mi-été, tous les Finlandais quittent les villes pour leur maison de campagne au bord d’un lac (il y a beaucoup de lacs en Finlande…) et vont se mettre une caisse en buvant plus de raison.
Chaque année, il y a donc un pic de mortalité par noyade ce weekend-là. Varusteleka organise un bingo où les participants doivent parier sur le nombre de morts. Les gagnants sont ceux qui ont trouvé le bon nombre de victimes, et la valeur du prix à remporter est dégressive : plus il y a de morts, moins le prix est intéressant.
S’il n’y a pas de victimes, Varusteleka offre un bon de 1000 euros !
Cette année, cinq Finlandais sont morts noyés (et le prix n’était que de 100 euros).
Rappelez-vous : se bourrer la gueule au bord d’un lac ou dans un bateau n’est pas toujours une bonne idée !
La gamme
La gamme de couteaux est assez modeste : deux modèles, trois tailles par modèles, et quelques variantes de fourreaux

Terävä se concentre sur l’essentiel : des couteaux simples et robustes.
Le Jääkäripuukko reproduit la forme du couteau traditionnel finlandais, alors que le Skrama s’inspire du Skramasax ou Seax, un gros couteau utilisé au Moyen-âge comme outil et moyen de défense. Sa géométrie est nettement différente du Puukko.
Skrama
Les Skramas sont proposés en trois longueurs : 80mm, 200mm et 240mm.
Ils sont vendus avec une poignée en gomme moulée, ou « tout nus » et sans poignée, pour ceux qui voudraient fabriquer la leur (par exemple en tressage paracorde sur les plus petits modèles).
Les Skramas sont vendus avec un fourreau en cuir avec boucle de ceinture, avec une simple protection en plastique, ou sans fourreau. Là-aussi Varusteleka a pensé à tous les amateurs de DIY qui voudraient fabriquer leur propre fourreau en Kydex ou en cuir.
L’acier
Ces couteaux sont forgés en acier 80CrV2. C’est un acier carbone (acier à outils) très simple, mais très robuste et solide. Il garde bien l’aiguisage, et supporte les chocs.
La lame subi un traitement thermique différencié, permettant de donner une dureté de 52 HRC à l’extérieur de la lame, et de 59 HRC à l’intérieur. Le couteau a donc une « âme » plus dure que sa « peau ».
La lame est meulée pour révéler l’acier plus dur, offrant ainsi un tranchant efficace. De même le dos de la lame est chanfreiné pour révéler l’acier plus dur, afin de pouvoir « mordre » dans un firesteel (à 52 HRC, ça ne marcherait pas).
S’agissant d’un acier carbone, il est naturellement sensible à la corrosion, et doit s’entretenir correctement (ne pas le laisser humide, le huiler de temps en temps, p.ex avec du Ballistol).
Le couteau
Rentrons maintenant dans le vif du sujet, avec le Skrama 240.

C’est donc le plus gros de la gamme de Skrama, avec les caractéristiques suivantes :

Mise à l’épreuve
De par sa géométrie et son poids (la plupart de mes tentes pèsent moins que ce couteau…), on comprend sans surprise que ce couteau est d’abord conçu pour le travail lourd.
Abattage
Il ne rougit pas s’il s’agit d’abattre un arbuste ou des buissons. La longueur du manche, combinée à celle de la lame et à la répartition du poids, lui donne une grande puissance d’impact (comme avec une machette ou une hache, le centre de gravité est éloigné du manche

Il est également aisé de tailler une pointe au bout d’une perche (par exemple pour former un pieu).

Bâtonnage
Je l’ai mis à rude épreuve en décidant de fendre par bâtonnage un tronçon de branche d’environ 7cm de diamètre, avec un nœud au milieu.




Le couteau a encaissé sans broncher, et j’ai vraiment pu taper bien fort sur la lame. Elle est suffisamment longue pour pouvoir taper des deux côtés du rondin (donc sur la pointe du couteau, et près de la garde). La poignée amortit très bien les chocs, et sa taille et sa texture offrent une prise solide sur le couteau.
Fendre
Vous aurez également remarqué la longueur conséquente du manche. Il est conçu pour pouvoir être utilisé à « une main et demi », comme les épées bâtardes. Cette prise en main offre beaucoup de contrôle pour tailler dans un tronc, ou pour fendre un rondin, par exemple. Vous n’aurez toutefois pas le même effet de bras de levier que si vous prenez le couteau à une main tout à l’arrière du manche.

Faire du petit bois
C’est là où j’ai eu une de mes plus belles surprises avec ce couteau : il est tellement gros qu’il s’utilise presque comme une hachette ! En fendant du petit bois, je me suis naturellement mis à utiliser les mêmes techniques pour fendre et refendre qu’avec ma petite hachette de camp, et j’ai trouvé l’avancement très efficace.
La lame est suffisamment grande et lourde pour fendre du bois en tapotant sur le morceau à fendre, en tenant celui-ci parallèle à la lame. Sur des morceaux plus fins, on peut attaquer directement par le bout, comme ci-dessous.

Travaux fins
Soyons clair : ce couteau n’est pas pensé pour les travaux de taille fine du bois.
Toutefois, sur les cinq premiers centimètres vers la poignée, l’angle de meulage de la lame est de 25°, alors que sur le reste de la lame, il est de 34°.

L’angle plus fin près de la poignée permet tailler des « frisettes » ou des bâtons à plume assez facilement.

Allumer un feu
Comme je l’ai dit plus haut, le dos de la lame a été chanfreiné pour révéler l’acier plus dur du cœur de la lame, et c’est celui-ci qui va permettre d’arracher des étincelles à votre firesteel.

J’ai testé les deux méthodes usuelles pour gratter le bâtonnet de ferrocérium, donc soit en tenant le firesteel et en faisant bouger le couteau, soit en bloquant le couteau et en frottant le firesteel dessus (ça fera un bon sujet pour une prochaine chronique !)
L’acier carbone du couteau « mord » bien et produit une belle gerbe d’étincelles.


Pour la première méthode, la grosse taille du couteau offre une bonne surface d’appui au pouce, et la prise en main reste confortable. On a par contre plus de risque de disperser son tas de fatwood, écorce, brindilles ou autre allume-feu qu’avec un petit couteau !

Pour la deuxième méthode, le couteau offre une assise très stable, mais le chanfreinage nécessite un peu d’ajustement pour trouver le bon angle permettant d’arracher un maximum d’étincelles.
Bilan
Au final j’ai été vraiment épaté par la versatilité de ce couteau. Bien qu’il soit absolument gigantesque, sa conception, sa géométrie et son manche permettent une utilisation variée. Certes, il n’est pas conçu pour du travail en finesse, mais il reste bien plus « habile » qu’une hachette pour certaines utilisations. Et il permet, vu sa masse de travailler presque comme une hachette pour les usages les plus « lourds ».
Son défaut principal reste évidemment son poids et sa taille : ce n’est pas un couteau pour la randonnée ultra-légère, mais bien un outil de bushcraft !
Au niveau durabilité, il est probablement increvable, du moment qu’il est entretenu correctement (donc nettoyage et graissage de la lame de temps en temps).
J’ai pris la coque plastique simple, et ne peut pas me prononcer sur la qualité des fourreaux proposés en option. Je pense ma fabriquer un étui type « dangler » en Kydex prochainement, et vous en reparlerai sans doute.
Au final, ce couteau est bien placé pour détrôner ma hachette sur mon sac bushcraft ! C’est le défaut quand on a plusieurs couteau et outils : il faut faire un choix parce qu’on ne peut pas tout porter !
Je vous suggère d’aller faire un tour sur le site web de Varusteleka et d’y découvrir leurs produits et leurs philosophie !
Allez dehors, et essayez !
Sylvestre Grünwald
