Ma méthode pour fabriquer ses propres repas déshydratés !

Chère Lectrice, cher Lecteur,

Manger des repas appétissants et nourrissants et primordial pour toutes activités soutenues en milieu sauvage. L’apport calorique exacte qu’il vous faudra dépendra évidemment du niveau d’effort fourni, de la température extérieure, et de votre métabolisme.

Une règle empirique propose de compter 4’000 Kcal/jour, et de viser une densité énergétique de 4g/Kcal dans la nourriture fraîche. Au final, donc : 1 kg de nourriture fraîche par jour. Ça fait vite BEAUCOUP de nourriture à porter sur son dos pour des sorties sur plusieurs jours. Une solution : transporter un maximum de matière sèche et un minimum de nourriture humide, et réhydrater les repas au camp.

Je vous présente aujourd’hui ma méthode pour préparer mes propres repas déshydratés, et vous donne quelques conseils.

Les repas disponibles dans le commerce

Je ne traite aujourd’hui que des repas ne nécessitant pas de cuisson, mais une simple réhydratation avec de l’eau bouillante. Il est évident qu’on peut préparer des repas relativement complexes en milieu sauvage, mais cette approche relève plus du bushcraft que du trekking, et nécessite plus de matériel (poele, dutch oven…) et de combustible (cuisson plus longue). Je reviendrai sans doute dessus dans le cadre d’une autre lettre.

Vous pouvez bien évidemment vous procurer des repas tout prêts dans le commerce. En caricaturant, il y a deux approches : repas simples / entrée de gamme d’un côté, repas complets / haut de gamme de l’autre.

Dans la première catégorie, je classe les nouilles chinoises, soupes ramen ou purée de pomme de terre en flocon, par exemple : c’est des repas simples, bons marchés, mais peu équilibrés (essentiellement des féculents, quelques épices et du sel). Ça « bouche le trou », c’est intéressant en accompagnement d’autre chose, mais si vous ne prévoyez que ça pendant une semaine, vous allez certainement vous lassez.

Dans la deuxième catégorie, je classe les repas lyophilisés. La diversité de la gamme est bien plus grande, c’est généralement complet et relativement équilibré. Notamment, le dosage en protéines et en fibres est supérieur à ce qu’on trouve dans la première catégorie. La palette d’arôme est plus large, et il est ainsi plus facile de varier les plaisirs sur plusieurs jours. On trouve aussi facilement des plats végétariens. Désavantage : c’est beaucoup plus cher ! 

On trouve sur le marché européen plusieurs marques de repas lyophilisés. Je les ai bientôt toutes testées, et la qualité et l’appétence dépend plus du type de plat et de l’arôme que de la marque…autrement dit il y a du bon et du mauvais dans chaque marque. J’adore la mousse au chocolat de Trek’n’Eat, mais n’aime pas leurs pâtes au saumon. Celles de Real Field Meal sont bien meilleures. Les produits proposés par Décathlon sont aussi de qualité variable (ce n’est que mon avis, bien entendu)

A titre indicatif, sur le site web d’un marchand de matériel camping et outdoor distribuant en Europe, on trouve des repas de ce type dans une fourchette de prix allant de 7 à 14 CHF par sachet. La gamme Décathlon couvre une plage de prix un peu plus basse, allant de 6 à 10 CHF.

Lyophilisé vs déshydraté

Pour faire simple, la lyophilisation est une technique de déshydratation « à froid », alors que la déshydratation « classique » (qui nous intéresse ici) travaille « à chaud ».

Le produit à lyophiliser est d’abord surgelé très rapidement (pour éviter la formation de cristaux de glace dans l’aliment), puis est mis sous vide et légèrement réchauffé. Dans ces conditions de pression et de température, la glace passe directement de l’état solide à l’état gazeux (on dit qu’elle se sublime). La vapeur d’eau ainsi extraite peut-être captée et évacuée. Ce processus se fait en deux phases, conduisant à une extraction de 90 à 95% de l’eau contenue dans l’aliment. La structure de l’aliment, et ses qualités nutritives sont globalement bien préservées par cette technique. Il existe des lyophilisateurs domestiques, mais il faut compter plusieurs milliers de francs pour leur achat.

La déshydratation telle que je la pratique chez moi consiste simplement à chauffer entre 30° et 50° le produit sur une grille pendant plusieurs heures, provoquant ainsi la perte d’eau par dessication. Certains appareils complètent le chauffage par une ventilation, ce qui rend le processus plus efficace. Un déshydrateur domestique et quelques plateaux coutera entre 50 et 150 CHF, et jusqu’à 500 CHF pour des modèles « pros ».

J’utiliserai indifféremment le terme déshydrateur et dessiccateur dans cet article.

J’ai reçu mon premier déshydrateur en cadeau de la part de ma grand-mère, et j’ai pu l’utiliser pendant 10 ans avant qu’il ne lâche. J’ai racheté un modèle moins performant par petites annonces sur internet, parce que je voulais conserver tous mes plateaux. Le nouveau modèle n’a pas de ventilateur.

Pour les ingrédients humides (comme la sauce tomate ci-dessous), je garnis les plateaux de mon appareil avec du papier de cuisson.

Préparation des plateaux avec du papier de cuisson
Préparation des plateaux avec du papier de cuisson

Mon repas

Au menu

Je vous propose ici de préparer deux portions d’un repas relativement simple : des pâtes à la sauce tomate et au thon. Chez moi c’est un classique de la cuisine vite faite pour un repas d’un soir de semaine facile à préparer. Vous le compléterez au campement après préparation avec un fromage à pâte dure râpé pour augmenter la part de matière grasse.

 

Les ingrédients

Les pâtes : Fusili de la marque Barilla, temps de cuisson 11min

Poids de départ : 170g avant cuisson (pâtes sèches/crues), 340g après cuisson

 

Le thon : thon en boite au naturel (pas à l’huile !!!)

Poids de départ : 175g après égouttage

 

La sauce tomate : sauce tomate en bocal « alla Toscana », avec légumes

Poids de départ : 260g

 

Poids total « humide » par portion : 388 g

 

Préparer la nourriture

Les pâtes :

Cuisson des pâtes selon les indications du paquet, soit 11 min pour les Fusili. 

Egoutter les pâtes après cuisson, et disposer les immédiatement sur le plateau de dessiccation.

Les pâtes juste après la cuisson
Les pâtes juste après la cuisson

Le thon :

Sortez le thon de la boite, émiettez-le, et égouttez le dans une écumoire ou une passoire en pressant dessus avec les doigts. Le but est de lui faire perdre déjà à ce stade un maximum d’eau, pour minimiser le temps sur le dessiccateur.

Egouttage du thon
Egouttage du thon
Thon égoutté
Thon égoutté, réparti sur le plateau de dessication

La sauce tomate :

La sauce tomate est utilisée directement sortie du bocal, et ne nécessite pas de cuisson. J’utilise aujourd’hui un bocal acheté en magasin, mais vous pouvez très bien travailler avec votre propre sauce faite maison. Assurez-vous dans ce cas qu’elle a cuit longtemps, et qu’elle est bien épaisse, vous gagnerez ainsi du temps lors de la déshydratation.

Bocal sauce tomate
Le bocal de sauce tomate « alla Toscana »
Sauce tomate étalée
La sauce bien étalée sur le papier de cuisson

Déshydrater

Installez les trois plateaux (sauce tomate, pâtes et thon) sur le dessiccateur, et mettez le couvercle sur le plateau le plus haut. Je commence généralement en mettant l’ingrédient le plus liquide (ici, la tomate) en bas, au plus proche de la source de chaleur.

Comptez grosso modo entre 8 et 15h pour déshydrater complètement un aliment. Il n’y a pas vraiment de formule toute faite, et il vous faudra surveiller périodiquement vos plateaux, et les intervertir. Vous pouvez toucher les ingrédients pour estimer leur état de sécheresse. Lorsqu’ils ne collent plus du tout au doigts et ne laissent plus de traces d’humidité sur ceux-ci, vous êtes bientôt bons. 

Vous pouvez mélanger et répartir à nouveau les ingrédients « secs » comme les pâtes et le thon, afin d’homogénéiser le séchage. La sauce tomate formera rapidement une sorte de galette, mais ne séchera probablement pas tout de suite de manière uniforme, et il restera des zones plus épaisses mal déshydratées. Vous pouvez tester en décollant un bord de la galette, et la retourner au bout d’un moment. 

A la fin du processus, voilà à quoi ressemblent mes trois ingrédients :

Pâtes
Les pâtes
Thon
Le thon
Sauce tomate
La sauce tomate

Peser les ingrédients secs

Une étape importante à ne pas rater : la pesée !

Vous devez vérifier combien d’eau vous avez réussi à enlever à vos ingrédients, car c’est cette quantité qu’il faudra leur redonner pour les réhydrater correctement.

 

Les pâtes : Poids de départ : 340g après cuisson/ Poids après dessication : 160g

Le thon : Poids de départ : 175g après égouttage  / Poids après dessication : 50g

La sauce tomate :  Poids de départ : 260g / Poids après dessication : 40g

Poids total : Poids « humide » : 775g / Poids après dessication : 250g

Perte d’eau : 525g

 

Par portion : Poids « humide » : 388g / Poids après dessication : 125g

Eau à rajouter : 263g = 263ml

 

Emballer/conserver

Avant de mélanger les ingrédients pour assembler le repas, il reste une étape optionnelle, mais qui vous facilitera la tâche lors de la réhydratation. 

Je vous conseille de passez la sauce tomate séchée au mixeur, afin de la réduire en granules ou en poudre. Ces petits morceaux absorberont bien mieux l’eau que si vous laissez les morceaux de « galettes » entiers.

Sauce tomate avant
Sauce tomate après

La sauce tomate avant et après son passage au mixeur.

Vous avez maintenant deux options :

  • Conserver tous les aliments séparément, et assembler vos repas à la demande avant chaque usage
  • Préparer des portions toutes faites et emballées individuellement, conservées prêtes à servir

Je recommande la première solution si vous préparez de grandes quantités de nourriture, et que vous consommez fréquemment vos propres repas. Dans l’idéal, vous aurez un stock de plusieurs féculents déshydratés (plusieurs sortes de pâtes, du riz…), plusieurs sortes de sauce, plusieurs sources de protéines (thon, viande, soja…), et quelques légumes (blanchis quelques minutes, puis déshydratés) et vous composerez ainsi vos repas au gré de vos envies avant chaque expédition, en variant les épices ou les aromates que vous rajouterez aux ingrédients de base.

Pour mon exemple aujourd’hui, je pars directement sur la deuxième solution : je n’ai préparé que deux portions, et je sais que je vais les utiliser rapidement. Je divise donc par deux tous mes ingrédients, et les mélange dans un bol.

Trois ingrédients
Trois ingrédients mélangés

Les trois ingrédients mélangés dans un bol

Pour le « packaging » des portions individuelles vous avez à nouveau deux options principales :

  • Le sachet « ziplock » réutilisable
  • Le sachet sous vide

J’ai récemment fait l’acquisition d’une machine à ensacher sous vide, et je vais donc l’utiliser ici.

Pates sous vide
Machine sous vide

Le sachet et la machine à ensacher sous vide

Le truc hyper important si vous choisissez cette méthode avec des pâtes ou des morceaux de légumes pointus, c’est de ne pas essayer de faire un vide complet…vous risquez en effet de percer le sachet avec les angles des ingrédients ! Si votre machine vous le permet, faites le vide doucement à la main, par pulsion, avant d’enclencher la soudure du plastique. Autre option : garnir l’intérieur du sachet avec du papier absorbant (que vous utiliserez comme serviette au moment du repas !).

Deux portions sous vide
Les deux portions ensachées, partiellement sous-vide

Annoter les sachets

Une dernière étape : marquer le type de repas (si ce n’est pas évident en regardant le sachet), la date de mise en sachet, et surtout la quantité d’eau nécessaire pour réhydrater, sur la base de la pesée effectuée précédemment. Ainsi, pas de risque de rater votre réhydratation en mettant trop ou trop peu d’eau !

Annoter sachets

Déguster sur le terrain

Vous voilà donc partis en bivouac. Vous emportez avec vous votre gourde, votre réchaud, votre popote, et votre petit sachet de pâtes sauce tomate-thon !

Pour réhydrater votre repas, vous commencerez par verser le contenu du sachet dans un bol ou tout autre récipient supportant la chaleur.

Pour ma part j’utilise un bol pliable (ça fait plus de 15 ans que je l’ai, la marque n’existe même plus !)

Après avoir bouilli votre eau, vous versez la quantité d’eau indiquée (ne jetez pas le sachet trop vite !) sur les pâtes, et laissez tirer une quinzaine de minutes en mélangeant de temps en temps. La patience est de rigueur ! Les pâtes prennent en effet du temps avant d’être correctement réhydratées à cœur. Pendant ce temps, votre plat se refroidit, mais il existe une solution très simple pour préserver la chaleur : le « cozy ». C’est en fait une fourre isotherme dans laquelle vous viendrez placer votre bol ou votre sachet de nourriture lyophilisée. C’est un objet très simple à fabriquer soi-même à la maison, et je vous en reparlerai dans une prochaine chronique « MYOG ».

Repas chaud dans cosy
Mon repas au chaud dans son « cozy » fait-maison
Repas
A table !

Je vous encourage à vous lancer dans la préparation de vos propres repas déshydraté. Certes, il vous faut faire usage d’un dessiccateur, mais l’appareil est bon marché. Si vous êtes comme moi, vous le réutilisez pour faire des fruits secs ou du cuir de fruit, et il sera très rapidement amorti.

Vous maîtriserez ainsi parfaitement ce que vous mangez, puisque c’est vous qui aurez choisis et préparés tous les ingrédients de votre repas. Ces ingrédients peuvent évidemment être conservés et stockés en vrac à la maison en vue d’une utilisation en cas de crise, ou mis en sachet et stockés dans un bug-out bag. Du moment que vous pouvez faire bouillir de l’eau, vous avez accès à un repas complet fait maison où vous voulez !

 

Allez dehors et essayez !

 

Sylvestre Grünwald

3 réponses

  1. merci pour ces infos intéressantes,j’avais une question sur la durée de conservation maximum des plats ou aliments déshydratés.

    Cordialement/Jean Michel

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