Le packraft, une embarcation ultralégère pour partir à l’aventure

Chère Lectrice, cher Lecteur,

Aujourd’hui je vous parle d’un moyen inhabituel de découvrir le monde, et d’augmenter la palette des environnements que vous pourrez explorer, lors de vos aventures petites et grandes.

Je n’en dis pas plus en introduction, et vous laisse découvrir la suite !

La découverte

J’ai eu la chance il y a quelques années, avant que ma compagne et moi décidions d’avoir des enfants, de partir avec elle en Suède pour naviguer une semaine en canoë. Nous étions en autonomie complète, avec toutes nos affaires de camping et de la nourriture dans des bidons étanches. Notre itinéraire nous a mené de lacs en rivières calmes, avec quelques passages en portage pour passer d’un lac à l’autre ou pour éviter un barrage.

J’ai gardé un souvenir impérissable de ce voyage, et ai longtemps voulu retrouver le plaisir de glisser sur l’eau avec tout son équipement, et de s’arrêter le soir sur la berge pour camper.

canoé kayak lac

J’aurais pu acheter un « vrai » canoé canadien, ou un kayak de mer. Je n’ai malheureusement aucun espace où les stocker chez moi, et les épisodes de portage m’avaient quand même paru laborieux, avec un canoé de presque quarante kilos (sans le poids des bagages).

Canoé kayak packcraft

J’aurais pu acheter un « vrai » canoé canadien, ou un kayak de mer. Je n’ai malheureusement aucun espace où les stocker chez moi, et les épisodes de portage m’avaient quand même paru laborieux, avec un canoé de presque quarante kilos (sans le poids des bagages).

Le concept

Qu’est-ce qu’un packraft, finalement ? Pour répondre à cette question, je vais commencer par dire ce que ça n’est pas…

Ce n’est pas un « vulgaire » bateau gonflable, tel qu’on pourrait le trouver en grande surface, ou même chez Decathlon. La différence fondamentale entre le packraft et ce genre d’embarcations, c’est la compacité, le poids et la résistance à l’abrasion (et le prix, du coup !).

canoé 3 personnes
Packcraft rouge avec velo une personne

Le packraft est conçu avec une membrane étanche à l’air et à l’eau, ultra-résistante à l’abrasion, et très légère. 

Il peut être monoplace ou biplace, équipé pour l’eau vive (et s’utilisant donc avec une jupe), autopurgant, équipé d’une fermeture étanche permettant de stocker ses bagages dans les boudins…bref, plein d’options autour de ce concept de base : un bateau gonflable ultraléger, pouvant être transporté facilement sur son dos ou sur son vélo.

Packcraft vert deux places lac suède
Ma compagne et mon fils sur un de nos deux packrafts deux places, en Suède

Les origines du packraft

Comme pour beaucoup de choses, il y a plusieurs théories quant à l’origine du packraft. On trouve quelques récits d’aventures en Alaska ou en Nouvelle-Zélande, faisant état de l’utilisation de chambres à air de camion pour traverser une rivière ou un lac avec des bagages ou un vélo, ou se laisser dériver sur un fleuve pour éviter des kilomètres de marche pénible.

aventurier roman dial packcraft bikecraft
L’aventurier Roman Dial, un des pionniers du packraft et du bikerafting, ici en Alaska – source www.thebikeraftguide.com

Dans certains cas, c’était un bateau gonflable du commerce qui faisait office d’embarcation.

Rapidement, ces utilisateurs ont cherché quelque chose de plus léger, et ne trouvant rien dans le commerce, ont tenté la fabrication maison. La technologie des membranes étanches évoluant, ces pionniers ont pu souder les premiers packrafts dans leur garage. 

Une des premières marques connues, qui reste aujourd’hui un des leaders du marché quant à la qualité et à l’innovation est Alpacka, fondée en 2000 par Shery Tingey et basée à Anchorage en Alaska.

Le monde du packraft aujourd’hui

Après être resté très confidentiel auprès des premiers aventuriers, le monde du packraft est en plein essor aujourd’hui. On trouve plusieurs profils d’utilisateurs qui convergent vers cette embarcation et les possibilités qu’elle offre pour les loisirs ou les expéditions.

En gros, je distinguerais :

  • Les kayakistes voulant randonner
  • Les aventuriers voulant naviguer

Les premiers ont généralement une longue expérience en eau vive, ou en eaux calmes s’ils font du kayak de mer. Ils maîtrisent et connaissent les dangers liés à la rivière ou aux courants et marées, mais en ont marre d’être limités aux rivières accessibles uniquement en voiture, cherchent à s’éloigner des sites les plus connus et veulent défricher de nouveaux territoires. Ils ne veulent plus gérer la difficile logistique liée aux kayaks « en durs » qui ne pèsent jamais moins que 20kg, et qui sont, en gros, intransportable plus que quelques centaines de mètres, et qui nécessitent donc obligatoirement d’avoir un véhicule au point d’entrée comme au point de sortie. Leur plus gros challenge sera d’accepter les spécificités du packraft sur l’eau, et de randonner avec un sac relativement lourd.

kayakiste pro redbull nourian newman packcraft bleu Alpacka Valkyrie
La kayakiste pro Nouria Newmann testant un packraft Alpacka Valkyrie – source www.packrateurope.com

Les seconds sont d’abords des randonneurs au long cours, des trekkers ou des aventuriers, qui souhaitent eux aussi défricher de nouveaux territoires, et qui en ont marre de se tremper les pieds à chaque rivière, voire de risquer leur vie et leur matériel en tentant des passages à gué trop engagés. Ils souhaitent pouvoir s’éviter des détours très longs en devant contourner des plans d’eau comme des lacs ou des fjords. Ils sont habitués à porter d’assez lourdes charge sur leur dos. Ils n’ont cependant que rarement les connaissances de base en navigation en eau vive ou sur de grands plans d’eau. Personnellement, je suis issu de cette catégorie.

Les classes de difficulté en rivière

Au même titre qu’on côté les pistes de ski ou les voies d’escalade, on peut classer les rivières selon leur difficulté et le niveau d’engagement pour le navigateur. Il existe deux échelles de cotation, L’échelle internationale de difficulté (créée par l’American Whitewater Association) et l’échelle de cotation de la difficulté (créée par la Fédération Internationale de Canoé). Elles sont proches mais légèrement différentes. 

Ci-dessous, l’échelle de la FIC, sans la notion de danger. J’y ferai référence parfois dans la suite de cette chronique

Le bateau à tout faire ?

Pour bien comprendre les forces et les faiblesses du packraft, il faut d’abord revenir au monde du kayak. 

Celui-ci se divise en deux mondes distincts et quasiment imperméables l’un envers l’autres. D’un côté, le kayak d’eau vive, de l’autre le kayak de randonnée. 

 

Kayak d’eau vive

Le kayak d’eau vive est fait pour la navigation en rivière, est court voire très court, très maniable, et comporte peu de place pour le transport de bagage (les cavités du bateau sont occupées par des « gonfles » ou des blocs de mousse pour augmenter la flottabilité). Les kayaks les plus courts ont des rendements médiocres sur de l’eau calme (traversée de lac).

kayak d'eau vive vert
Kayak d’eau vive – source www.zet-kayaks.com

Il permet aux navigateurs expérimentés de prendre avec finesse les courants et les contrecourants, de surfer sur les vagues, de fendre les zones de remous et d’affronter les rapides les plus périlleux (Classe IV à V).

Il offre la possibilité, après entraînement, de réaliser un esquimautage : redresser le bateau après s’être retourné sans sortir du siège ni enlever la jupe.

 

Kayak de mer

Le kayak de randonnée, ou kayak de mer, est beaucoup plus long et plus fin que le kayak d’eau vive. Il n’est pas adapté aux manœuvres fines en rivières, de par sa longueur et de par son rayon de giration très large (en gros, il fait de très grands virages). Il a par contre un excellent rendement sur l’eau plate, et permet d’atteindre des vitesses appréciables sur l’eau pour un effort modeste. Étant donné sa grande longueur, il offre des espaces de stockage adéquats pour partir en expédition.

kayak de mer vert et jaune Akaroa
Kayak de mer – source www.lettmann.de

Pour ces deux types de kayak, la ligne de flottaison est basse, c’est-à-dire que le bateau est « enfoncé » dans l’eau. 

Dans les deux cas également, le bateau a une certaine inertie, vu sa masse. 

Ces deux types de bateau sont donc conçus pour deux usages clairement distincts, et donnent naissance à des pratiques différentes.

 

Packraft

Revenons maintenant au packraft…

Il est beaucoup plus large qu’un kayak d’eau vive, plus court qu’un kayak de mer, se positionne très haut sur l’eau, n’a pratiquement pas d’inertie, tourne quasiment sur place en un coup de pagaie. Sa manœuvrabilité est bien plus grande que ses deux confrères.

Sur une étendue d’eau calme, il n’atteindra jamais les vitesses et le rendement d’un kayak de mer, et en eau vive, ne permettra jamais de franchir les mêmes rapides de niveau extrême qu’un kayak de rivière (quoique les meilleurs packrafters, issus du monde du kayak, franchissent quand même de la classe IV !).

L’esquimautage est difficile car le bateau est très large. Avec un entraînement soutenu, il est possible d’y arriver, mais le temps consacré à cet apprentissage est peut-être mieux investi à apprendre à ne pas se retourner, ou à remonter très rapidement dans le bateau.

Il n’a ainsi en première apparence aucun des avantages spécifiques du kayak d’eau vive ou du kayak de mer. Pourquoi diable voudrait-on alors s’y intéresser ?

 

Poids, taille, charge

Principalement à cause de son poids, de sa compacité une fois dégonflé et de sa portabilité !

Les packrafts les plus simples (de petite taille et démunis de tout accessoires) pèse moins d’1 kg pour un volume plié de 1 litre, et permettent de traverser un petit lac ou un fleuve calme avec quelques dizaines de kg de bagages.

Les premiers modèles de packraft « d’aventure », qui se laisseront réellement « naviguer » sur un cours d’eau tranquille (Classe I à II) et permettent de transporter plus de 100kg de charge utile, pèsent 2kg, et occupent un volume plié d’environ 2 litres.

Les modèles d’eau vive, avec une jupe de protection et des sangles pour les genoux, commencent à 3 ou 4 kg, et forment une fois vides et pliés un rouleau de 40cm par 25cm de diamètre. Ils permettent réellement une navigation engagée en eau vive, et de transporter jusqu’à 140kg de charge. Je pèse 65kg, je pourrais donc théoriquement transporter près de 80 kg de bagage sur ce bateau !

packetage vert complet expédition

Sur la photo ci-dessus, on voit mon paquetage complet pour une expédition de 3 jours en autonomie complète en Allemagne, comprenant :

  • Packraft, pagaies, gilet de sauvetage, drysuit, deckpack
  • Poncho-tarp, sac de bivouac, matelas gonflable et quilt
  • Réchaud, popotte, nourriture pour 3 jours en autonomie complète
  • Habits, trousse de toilette, divers…

Je reviens plus bas sur le transport des bagages en mode navigation.

 

Manœuvrabilité

Un autre point d’intérêt essentiel du packraft et sa manœuvrabilité, et le fait qu’il pardonne beaucoup d’erreurs au navigateur. Du fait de sa largeur et de sa grande surface d’appui sur l’eau, il est intrinsèquement stable, et peu sensible aux erreurs de prise de courant (qui retournent très facilement un kayak d’eau vive classique). Il est également très maniable, car il pivote sur l’eau sans s’y enfoncer.

kayakiste rivière manoeuvre
Moi, sur une rivière !

Attention toutefois : il permettra à des navigateurs peu expérimentés d’aller assez vite sur des classes de difficultés d’eau vive plus élevées (II-III), là où des kayakistes débutants se planteraient systématiquement…mais en cas d’erreur et de retournement, le packrafteur maintenant transformé en nageur doit quand même être capable de s’auto-secourir, et être conscients des dangers inhérents à l’eau vive !

L’apprentissage du packraft et du sauvetage en rivière

Pour les gens comme moi qui n’ont aucun passé de kayakiste, l’apprentissage du packraft en eau vive doit se faire avec prudence et modestie. J’ai bientôt quarante ans, des enfants et un poste à responsabilité, et j’ai une approche très progressive des nouveautés…je ne me suis donc pas lancé avec mon packraft dans les premiers rapides venus. 

J’ai suivi deux formations de plusieurs jours pour acquérir les compétences de base, et commencer directement avec les bons réflexes et les bonnes habitudes.

Le premier cours était une formation pratique en rivière de navigation en packraft, jusqu’à une classe de difficulté de III. Le coach nous a appris les mouvements de pagaie de base pour diriger correctement son bateau, mais surtout la lecture du cours d’eau et la reconnaissance (scouting) des dangers depuis la berge.

Cours navigation canoé rivière groupe
Cours de navigation en rivière Classe II-III

Le deuxième cours était une formation de sauvetage en rivière (Rescue3), permettant de comprendre les principaux dangers liés à l’eau vive (rouleaux, obstacles sur l’eau, piège à pied), et les méthodes de sauvetage à appliquer pour libérer une personne coincée ou traverser une rivière de manière sûre.

sauvetagre rivière lancer corde
Exercice de lancer de corde pour le sauvetage en rivière

Je vous encourage, si l’aventure en packraft vous attire et que vous n’êtes pas familier avec le comportement d’une rivière, de suivre également des formations de ce type !

Transport des bagages

Les packrafts ont été initialement imaginés pour l’exploration et l’aventure en alternant randonnée et navigation (ou cyclisme et navigation). En mode randonnée, ils sont facilement transportables sur un sac à dos, et en mode navigation, ils offrent la possibilité de transporter facilement ses bagages « de terre » de manière sûre et étanche. 

Le standard actuel pour le transport des bagages est l’utilisation d’une fermeture éclair étanche à l’air et à l’eau à l’arrière du bateau, grâce à laquelle on accède à l’intérieur des boudins. On peut alors glisser dans ceux-ci ses bagages (affaires de camping, nourriture, vêtements…) préalablement emballé dans des sacs étanches allongé. On aura encore la place de mettre vers l’arrière du bateau son sac à dos vide, et ses chaussures de marche, avant de bien refermer la fermeture étanche et de gonfler son bateau.

packcraft degonflé vert
Nos deux packrafts, dégonflés, avec les sacs étanches contenant nos affaires pour une expédition camping en famille

En complément de ce qui est stocké dans le bateau, et qui n’est accessible que si on le dégonfle, on pourra stocker dans un sac de proue (deckpack) ce qui doit être gardé à portée de main durant la navigation (nourriture du jour, gourde, habits chauds, trousse de secours…).

Grâce à ce système on a un « pont propre » (clean deck) avec le moins possibles d’éléments risquant de tomber dans l’eau ou de s’accrocher aux obstacles.

Mon matériel actuel

J’ai commencé par un premier packraft deux places pour les eaux calmes, peu de temps avant d’avoir notre premier enfant. J’ai fait de nombreuses sorties avec ma compagne et ma fille dès qu’elle a eu deux ans, voire même parfois avec ma fille seule.

Lors de la venue de notre deuxième enfant, nous avons encore fait quelques sorties à quatre, mais avons rapidement conclu qu’il nous manquait de la place. J’ai alors acquis un deuxième packraft deux places.

deux packcraft lac
Nos deux bateaux lors d’une petite sortie d’une journée

J’ai commandé en même temps un packraft monoplace pour l’eau vive, avec l’intention d’apprendre la navigation en rivière pour partir en expédition en solo.

Packraft monoplace vert bord rhone
Mon packraft monoplace au bord du Rhône

Quelques références

Voici deux livres (en anglais) qui sont les références absolues pour ce qui est du packraft, et du bikerafting (le fait de partir en expédition en vélo avec un packraft).

Les sites web de référence en Europe sont packrafteurope.com et anfibio.com.

Mekong est un fabricant de packraft français récemment arrivé sur le marché.

On trouve de nombreuses possibilités de location de packraft pour quelques jours, si vous voulez faire un essai avant d’acheter.

Voilà pour cette brève introduction au monde du packraft. C’est devenu pour moi un élément très important dans mes activités en extérieur, et à la fois un motivateur et un support pour de futures expéditions dans les années qui viennent, en solo ou en famille.

Grâce aux packrafts deux places, j’ai l’intention quand mes enfants seront un peu plus grands, de repartir une nouvelle fois en Suède, et de partager avec eux le bonheur simple de traverser un lac limpide et de monter son camp sur une petit île le soir venu.

Si vous aussi vous voulez étendre les possibilités d’exploration de notre planète (que ce soit sur l’étang près de chez vous, ou dans les étendues sauvages de Laponie ou d’Alaska), le packraft est fait pour vous !

 

Allez dehors, et essayez !

 

Sylvestre Grünwald

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *