Chère Lectrice, cher Lecteur,
Je vous en ai déjà parlé plusieurs fois, et si vous avez suivi mes aventures en Allemagne, vous saurez que j’en ai mangé tous les matins…je pense bien sûr au porridge !
C’est à mon avis le repas idéal pour commencer sa journée quand on est en extérieur : il est léger à transporter (car il ne contient pas d’eau), copieux et nourrissant, et peut-être complété avec beaucoup d’ingrédients pour en varier le goût et la teneur en nutriments.
Je vous en parle plus en détail dans cette chronique.
De quoi parle-t-on ?
Le terme
Le porridge (oatmeal en anglais, gruau au Québec et parfois en France) désigne généralement une bouillie de flocons d’avoine.
C’est un terme assez vague, qui peut aussi regrouper des bouillies préparées à partir d’autres céréales, même si l’avoine reste le plus fréquemment utilisé.
La céréale
L’avoine (Avena sativa) est une plante monocotylédone de la famille des graminées. On ne la trouve plus à l’état sauvage, et elle a été domestiquée il y a plus de 4’500 ans.

Elle est cultivée soit comme plante fourragère pour l’alimentation animale (coupée verte, ses pousses sont tendres et sucrées), ou comme céréale, pour ses fruits riches en amidon (ce qui nous intéresse ici !).
On en cultive environ 20 millions de tonnes par année (en baisse, le maïs et l’orge étant maintenant préférés à l’avoine pour l’alimentation animale). La Russie, le Canada et la Pologne sont dans le Top 3 des plus gros producteurs, car cette céréale se prête bien à la culture extensive sous climat froid.
Parce que j’aime bien les chiffres (je suis ingénieur), je vais me la péter en vous balançant le tableau nutritionnel complet de l’avoine :

Que retenir de tout ceci ?
Premièrement, l’apport énergétique, qui est de 326 kcal / 100g.
L’objectif pour optimiser le ratio apport calorique / poids transporté en mode expédition ou bushcraft et de n’avoir avoir soi que de la nourriture dont l’apport énergétique est égal ou supérieur à 400 kcal / 100g (poids à sec). A titre de comparaison, le sucre brut tape juste en dessous des 400 kcal, le tofu à 76 kcal, la viande hachée à 240 kcal, le camembert à 300 kcal et le gruyère à 413. Pour aller plus haut avec cette valeur, il est nécessaire de chercher des aliments riches en graisse. Le beurre apporte 717 kcal par 100g, les noix de pécan 691 kcal, et la plus grasse de toutes les noix, la noix de Macadam, monte à 718 kcal !
L’apport en lipide, de l’ordre de 7 g / 100g, est limité.
On voit donc que l’avoine offre une bonne base, en étant proche des 400 kcal / 100g, mais que l’on gagnera à le compléter avec des ingrédients plus riches (voir plus bas).
Au niveau des apports protéiniques, l’avoine est autour des 10 à 17 g / 100 g selon les sources, ce qui est équivalent au soja. Les protéines de l’avoine sont riches en tryptophanes, qui participent à la production de la sérotonine et de la mélatonine (hormones actives dans le cycle du sommeil, notamment).
Le format
Le porridge n’est pas préparé avec le grain d’avoine brut. Celui-ci est déglumé (autrement dit, on enlève les bractées formant une coque autour du grain), puis généralement précuit à la vapeur, puis aplati entre deux cylindres et éventuellement broyé.
Les flocons ainsi obtenus peuvent être plus ou moins grossiers ou fins. Selon la texture souhaitée, on choisira ainsi la taille du grain. Les flocons les plus fins se réhydratent et ramollissent plus vite, mais donnent parfois un résultat trop collant. A contrario, les flocons trop grossiers prennent trop de temps à ramollir. J’ai donc tendance à favoriser un entre-deux.


Les variantes de céréale
Le porridge traditionnel n’est préparé qu’avec de l’avoine, mais il est en réalité possible de préparer une « bouillie de céréale » avec n’importe quelle céréale, du moment qu’elle a été préparée en flocon.
J’ai déjà testé avec des mélanges de trois ou quatre céréales différentes, ou avec des flocons de soja. J’en reviens toujours à l’avoine qui reste à mes yeux le meilleur pour la texture et le goût.
En cas d’intolérance à l’avoine, ou si vous en avez tellement mangé que vous vous en êtes lassés (pas encore mon cas), tenter quelques variations avec ces autres céréales peut être pertinent.
Quels compléments mettre avec son avoine ?
Le but est de passer la barre des 400 kcal/100g, et surtout de rendre le porridge délicieux.
Les lipides
Pour rajouter du gras dans votre porridge, il y a deux pistes principales.
La première est l’ajout de lait en poudre. Je reviens spécifiquement sur celui-ci plus bas.
L’autre piste, ce sont les noix ! Comme mentionné plus haut, la plupart des noix sont largement au-dessus des 400 kcal/100g, et on en trouve une grande diversité.
Personnellement je ne suis pas fan des noix de Grenoble, qui me donnent des aphtes. Je raffole par contre des noix de cajou (plus sucrées), pécan (plus goûtues), ou macadam (plus grasses !). Les amandes sont également intéressantes. Ces ingrédients se trouvent facilement en vrac en épicerie, et se conservent longtemps si elles sont stockées correctement. Il est donc aisé d’en avoir en réserve, et d’en ajouter quelques poignées dans les sachets de porridge que vous préparerez avant de partir en bivouac.

Je recommande de les concasser légèrement avant de les ajouter à l’avoine.
Autres options à envisager : la poudre de noix de coco (65g de lipides et 660 kcal par 100g), les graines de tournesol (51 g / 585 kcal) ou de sésame (48 g / 565 kcal).
Les sucres
Pour sucrer un porridge à emporter en bivouac, on sera limité aux sucres « secs », ceci afin d’éviter de rendre la préparation pâteuse et collante. On peut envisager d’emporter avec soi à côté du sachet une bouteille de sirop d’érable, mais ce n’est pas très pratique.
Je m’en tiens généralement à un bon sucre de canne brut complet. L’avantage du sucre de canne brut, contrairement au sucre blanc raffiné, et qu’il contient encore énormément de sels minéraux, rendant le produit équilibré. Selon certaines écoles de diététique, la métabolisation du sucre blanc raffiné « consomme » énormément de sels minéraux, et appauvri donc le corps.

Pour le dosage, je ne mets jamais plus d’une cuillère à café par 50g d’avoine.
Je trouverai un complément de sucre dans les fruits secs, dont je vous parle ci-dessous.
Les fruits secs
Un incontournable dans mes porridges, c’est l’ajout de fruits secs.
Les canneberges sont sur le haut de ma liste, et se combinent à merveille avec les noix de pécan. Les canneberges séchées du commerce sont quasiment toutes déjà sucrées (d’où l’intérêt de ne pas mettre trop de sucre de canne avec son avoine).

Dans mes classiques, les morceaux de pomme séchée (fait maison !), en combinaison avec la cannelle.

Si les fruits exotiques vous attirent, la mangue séchée (coupée en petits morceaux) se prête bien à être ajoutée à un porridge.
Tous les fruits de la famille de la pêche (abricot, pruneau, nectarine…) peuvent également se sécher, et se rajouter à votre mélange.
Autre option possible : les petits fruits et baies lyophilisés (framboise, fraises, murs). La lyophilisation préserve la texture des fruits, et les rend moins « collants » que le séchage traditionnel. On trouve ces fruits en gros packaging sur des sites comme sichersatt.ch, qui vendent des réserves alimentaires (la boite non ouverte se conserve plus de 5 ans) et du matériel de secours.

Outre l’aspect sucré, le goût généralement riche et acidulé des fruits mettra un peu de relief face à l’avoine très douce, et apportera des fibres alimentaires bienvenues pour éviter la constipation.
Le lait en poudre
Le lait en poudre (lait entier, sec) apporte environ 500 kcal/100g, et est relativement équilibré entre protéines (26g / 100g), lipides (26g / 100g) et glucides (38g /100g).
C’est donc un ajout très intéressant au porridge, dont il augmentera également l’appétence (gras! sucre!) et l’onctuosité.
J’utilise depuis peu du lait en poudre conditionné en grosses boîtes de conserve, que je trouve chez sichersatt.ch, comme pour les baies lyophilisées. Mais n’importe quel lait en poudre (entier !) fait évidemment l’affaire.

Autres ingrédients
Les graines, comme le tournesol ou le sésame, sont un bon complément. Les graines de lin sont également intéressantes, de part leur apport en omega-3 et de par leur effet régulant sur le transit (les graines mouillées forment un mucilage, qui permettra d’humidifier les selles, et faciliter leur excrétion…en français = caca mou). Si vous souffrez de constipation avec le régime classique en camping ou bivouac (peu de fruits frais et de légumes), cette petite graine vous aidera.
Je rajoute fréquemment des épices dans mon porridge, la cannelle étant en tête de liste. Le cacao en poudre est également intéressant, mais domine rapidement les autres saveurs. Il se combine bien avec les noix.
Vous pouvez donner une touche « pain d’épice » à votre porridge grâce à la cardamome et au carvi.
La recette pour partir dans les bois
Dosage de base
La dose de base est de 50g de flocons d’avoine par personne. Vous pouvez adapter à la hausse ou à la baisse. Ma fille de 7 ans a de la peine à finir sa portion, donc je pourrais baisser à 40g pour elle (mais s’il lui en reste, ça me donne une bonne excuse pour finir son bol). A contrario, vous pourrez augmenter cette quantité si vos besoins caloriques sont accrus (selon votre métabolisme, le rythme de vos repas, l’environnement et le type d’effort que vous pratiquez).
Ces 50g seront à hydrater avec 150ml de liquide (lait ou eau). C’est facile à retenir : poids de liquide = maximum 3 x poids de l’avoine ! Je précise « maximum » car vous choisirez peut-être d’en mettre un peu moins à votre convenance, si vous préférez le porridge plus épais, ou un peu plus si vous voulez faire une soupe.
Il m’est déjà arrivé d’avoir la main trop lourde le matin en sortant de ma tente, et de rater complètement mon porridge, au grand désespoir de ma fille qui n’a pas du tout aimé la lavasse résultant de la trop grande quantité d’eau !
Pour éviter ce genre de drame, commencez par mettre un peu moins d’eau que nécessaire, et rajoutez progressivement jusqu’à obtention de la bonne texture. Une tasse ou une popote graduée vous aideront également à partir juste.
Je ne tiens pas compte du poids supplémentaire des noix, fruits et graines dans mon dosage de liquide. Comme dit : il est toujours possible d’adapter et de rajouter en cours de route.
Si vous optez pour l’utilisation de lait en poudre, vous devrez doser correctement le lait en fonction de la quantité finale de liquide à rajouter. Je sais que mon lait en poudre doit être dosé à raison de 0.13g par ml d’eau. J’en mets donc environ 20g pour 50g de flocons secs.
Préparation à la maison
La préparation à la maison consiste essentiellement à mettre en sachet la bonne quantité de flocons dans la bonne quantité de sachets !
Une première option : mettre l’entier de vos portions (pour vous et vos compagnons si vous partagez, et pour tous les repas) dans un seul gros sachet.
Désavantages :
- un seul arôme possible
- dosage à faire à l’œil chaque matin pour servir vos 50g/personne
- risque de perdre l’entier du contenu si le sachet se perce ou est mouillé.
Une deuxième option (que je recommande) : doser chaque portion individuelle, ou au moins chaque petit-déjeuner, dans un sachet séparé.
Avantages :
- possible de varier les arômes à chaque fois (un matin cacao, un matin pomme cannelle, un matin exotique…)
- dosage plus facile (un sachet = une personne, ou un sachet = 2 x 1 personne…)
- vos portions seront moins à risque d’être toutes perdues ou souillées si elles sont emballées individuellement.
Un défaut si vous comptez les grammes, c’est qu’il y a plus de plastique d’emballage.
Un autre choix à faire, c’est de transporter les portions dans un sachet type zip-loc, ou de les mettre sous vide. Selon la durée de votre expédition, et la quantité totale de nourriture à transporter, le deuxième choix aura la préférence. Pour une petite sortie d’une nuit, le zip-loc va très bien.
Préparation sur le terrain
Vous voici donc sorti de votre tente à 7h du mat’ après une bonne nuit de sommeil. Vous devez maintenant préparer votre porridge. Comment procéder ?
La méthode que j’applique habituellement est la suivante :
- verser le porridge dans un contenant résistant à l’eau bouillante (j’utilise un bol pliant)

- Faire bouillir de l’eau dans votre popote
- Mesurer la quantité d’eau adéquate, et la verser sur le porridge
- Brasser pour bien humecter l’entier de la matière sèche

- Laisser reposer 5 à 10 min
- Déguster !

J’utilise systématiquement mon cosy (dont je vous ai expliqué la fabrication dans une précédente chronique) pour la phase de repos. Celui-ci me permet de garder le porridge bien au chaud, et 5min suffisent généralement à le rendre moelleux.
Mon conseil : ne faites jamais cuire le porridge dans votre popote sur le feu ! Vous consommerez inutilement du combustible, risquez de brûler le fond (surtout sur un réchaud à gaz), et devrez nettoyer la popote après usage. La méthode par trempage et repos est bien plus adaptée en camping, mais rend l’usage du cosy nécessaire !
La recette du weekend peinard chez soi
Je vous livre un dernier « secret » : il m’arrive également de me préparer des porridges à la maison. Je commence la préparation la veille, en mélangeant les flocons avec la moitié de la quantité d’eau nécessaire, et en mélangeant 2 cuillères à soupe de yogourt nature par 50g de flocons.
Je laisse ensuite le mélange à température ambiante toute la nuit, et ajoute la seconde moitié de l’eau le lendemain matin, avant de rajouter les compléments (noix, fruits secs, épices…) et de cuire le porridge 5 minutes.
Le temps de repos nocturne et l’ajout de yogourt va démarrer un processus de fermentation de l’avoine, et rendre celui-ci plus digeste. Vous pouvez pousser ce temps de fermentation jusqu’à 24h, selon votre goût.
Ce n’est malheureusement pas possible en bivouac, à moins que vous soyez installés en camp pour quelques jours, et que vous ayez emporté avec vous des ferments de lactobacilles.
J’espère vous avoir rendu intéressant ce plat nourrissant qu’est le porridge, de prime abord peu sexy. La variation des ingrédients que vous pouvez y mettre, la facilité de transport et de préparation l’ont mis pour moi en tête de liste des petits-déjeuners dès que je bivouaque. Je ne m’en lasse pas !
Allez dehors, et essayez !
Sylvestre Grünwald
