Chère Lectrice, cher Lecteur,
Cette année, je me suis donnée comme défi d’aller bivouaquer au moins une nuit par mois avec ma fille (Sidonie, 7 ans et demi).
Certaines de nos sorties ont été mûrement réfléchies (choix minutieux d’un emplacement, planification d’un itinéraire…) et bien préparées. D’autres…un peu moins.
Ce fut le cas pour la sortie du mois de septembre. Comme quoi, on peut toujours avoir des surprises et faire des erreurs !
Site et itinéraire
Au pied du Mont d’Or
Pour mes sorties de bivouacs mensuels, j’essaie de rester dans ma région. En début d’année, nous sommes allés camper dans les bois au-dessus de la ville, guère à plus d’un quart d’heure à pied de la voiture. Nous avions fait une sortie plus longue avec mon père, en ski nordique, dont je vous ai parlé dans une autre chronique. Plus tard dans l’année, nous avons poussé un peu plus loin et un peu plus haut, en allant camper au-dessus de 1’500m, avec jusqu’à une heure de marche avant d’atteindre le site.
Pour cette sortie de septembre, je voulais tester un nouvel emplacement, mais faute d’être partis assez tôt dans l’après-midi, nous avons dû nous parquer relativement près du site de campement, et n’avons finalement marché qu’une demi-heure en fin d’après-midi.
J’avais en tête une petite place le long d’un chemin pédestre que j’ai déjà emprunté (en rando, en trail, et à vélo) de nombreuses fois. A chaque fois, je me suis dit que ça ferait un bon emplacement pour y poser une tente (je me dis très souvent ça !). Sans vous révéler tous mes petits secrets, c’est un magnifique itinéraire qui fait le tour du Mont d’Or (celui situé dans les Préalpes vaudoises, pas l’autre entre Métabief et Vallorbe).

L’accès au site fût donc rapide et aisé, puisque nous sommes restés sur une route forestière quasiment tout le long.
Une fois arrivés sur site, nous posons nos sacs, déballons les affaires, et nous apprêtons à monter la tente sur le terrain bien plat.
Et là…
Mauvaise surprise !
A part ma tente « classique » MSR Carbon Reflex, qui est autoporteuse, toutes mes tentes sont maintenant des tentes ultralégères qui nécessitent des bâtons de marche ou des mâts carbone pour le montage.
Mes tentes sont toutes emballées individuellement dans deux housses : une pour la tente extérieure, et une pour la tente intérieure/moustiquaire…sauf pour la tente utilisée ce jour-là, que j’ai sciemment commandée sans tente intérieure, car je souhaitais l’utiliser avec un sac de bivouac ou sans rien du tout si la météo le permet.
Outre la tente elle-même, la housse contient également toutes les cordelettes nécessaires, une petite fourre pour les sardines, et une footprint en Tyvek (je les prépare moi-même, dorénavant).
Je n’ai donc en principe qu’à mettre dans mon sac à dos la housse contenant la tente, prendre mes bâtons de marche, et je suis prêt à partir.
Mais ce jour-là, erreur ! En déballant la tente, je me rends compte que la housse ne contient pas de footprint ! C’est seulement à ce moment-là que je me souviens que j’ai récemment recoupé et préparé les angles d’une nouvelle footprint pour cette tente, car j’utilisais jusque-là la même footprint pour deux tentes. La footprint manquante est donc restée à la maison, en vrac sur le dessus d’une armoire, car après l’avoir préparée, j’avais eu la flemme de la ranger directement dans la bonne housse.
Bien fait pour moi, ça m’apprendra à procrastiner…
Pour éviter cet oubli, j’aurais dû faire ce que je ne pense jamais à faire : une checklist !!!
Deux choix s’offrent alors à moi :
- laisser ma fille toute seule, redescendre en courant à la voiture pour y prendre la tarp de secours que j’y laisse toujours, et remonter pour l’utiliser comme footprint
- faire fi de cet oubli, et poser nos matelas gonflables à même le sol
Bon, il faut relativiser…le sol étant relativement sec, couvert d’une végétation pas trop dense, et avec peu de cailloux, je décide donc de tenter la deuxième solution.
La tente pyramidale (ou « mid »)
C’est un type de tente que j’utilise depuis peu. Au niveau du ratio surface couverte au sol / poids c’est ce qui se fait de mieux après la tarp.
Elles présentent en outre un profil de résistance au vent très intéressant.
Leur principal défaut, inhérent à leur forme, c’est le manque de hauteur près des bords, avec le risque pour les grands de toucher la toile avec la tête en se levant.
Les versions les plus légères de ces tentes sont généralement construites en DCF (Dyneema Cuben FIber), avec un poids ridicule, mais un prix extravagant. De plus la plupart des marques proposants des « mids » sont américaines (je n’ai rien contre les marques américaines, mais commander des produits sur des sites aux USA et se les faire livrer en Suisse, c’est très souvent la galère !!!).
J’ai longtemps hésité avant d’acquérir une tente de ce type pour alléger mon paquetage, et ai failli « casser ma tirelire » pour partir avec l’option DCF. J’ai fouillé dans tous les recoins d’internet pour essayer de trouver une alternative, et finalement j’ai déniché Liteway Equipement, un petit producteur indépendant ukrainien.

Quand j’ai vu qu’ils proposaient un modèle de « mid » en silpoly, je savais que j’avais trouvé mon bonheur ! Restait encore à réussir à commander la tente et à se la faire livrer… Liteway est basé à Kryvy Rih à environ 50km du Dniepr, et donc quasiment sur la ligne de front depuis le début de l’invasion russe. Ils ont apparemment dû évacuer leur site de production pendant quelques semaines, mais ont pu reprendre la production.
Vu le contexte actuel, j’ai pendant un temps redouté que ma commande n’aboutisse pas. J’ai reçu deux fois un avis d’expédition de Liteway, avec un lien de tracking de la poste ukrainienne, mais le premier envoi est probablement retourné chez eux. Le site web de la poste ukrainienne étant très souvent indisponible (cyber-attaques russes ?), je n’ai plus eu de nouvelles de mon colis pendant plusieurs semaines.
Ça peut paraître un peu égoïste de s’inquiéter d’un colis de matériel outdoor alors que des civils se font bombarder. Je pense qu’au contraire, avoir choisi de soutenir une petite entreprise qui tente de tourner et de vivre normalement sous les bombes était un bon choix. En plus Liteway reverse une partie de leur profit pour l’aide aux victimes de la guerre depuis le début du conflit.
Il s’agit du modèle PyraOmm Plus. La gamme PyraOmm comprend quatres modèles : Solo, Duo, Plus et Max, respectivement pour 1, 2, 3 et 4 personnes. Elles sont les quatre disponibles en silpoly ou en DCF, avec ou sans tente intérieure.
En analysant la différence de poids et la différence de prix, j’ai conclu que pour mes besoins actuels il n’était pas cohérent de payer 560 euros de plus pour la PyraOmm Plus DCF pour économiser 55g (poids brut de la tente), soit environ 10 euros le gramme.

La Plus couvre au sol un rectangle de 276cm par 200cm, avec une hauteur centrale de 160cm.
Elle peut être dressée au moyen d’un mât alu ou carbone de 160cm, en assemblant deux bâtons de marche (p.ex avec des attaches Voilé ou FixPlus) au centre, ou encore en assemblant quatre bâtons deux par deux en formant un « A ».
La tente seule pèse 615g avec les cordelettes, soit moins de 310g par personne abritée !
Liteway produit aussi des quilts et des sacs à dos ultra-légers en X-pak , Ecopak ou DCF.
Si vous aimez les petits producteurs de produits outdoor de qualité, que vous souhaitez acheter européen, et que vous voulez soutenir des passionnés qui cherchent à continuer à vivre normalement dans un pays en guerre, pensez à passer une commande chez eux !
Le souper
Pour notre souper, nous récoltons rapidement du bois sec et de la résine à proximité. Je dois refendre par batonnage quelques branches, mais trouve beaucoup de bâtonnets suffisamment fins.
Comme réchaud, j’utilise mon hobo stove Picogrill 85, dont je vous parlerai peut-être en détail dans une prochaine chronique.
Au menu : repas lyophilisé de la marque Tactical Foodpack, et carrés de tofu aux épices.

Pour augmenter le niveau de confort de notre petit campement, j’utilise une mini-table pliable fabriquée maison en polypropylène alvéolé. J’ai trouvé mon inspiration sur internet, et ai découpé et plié la plaque de PPA à la main. Pour le geek des grammes, elle n’en pèse que 60. Peut-être que je ferai une chronique « tuto » un jour.

Bonne surprise !
Alors que nous nous apprêtons à croquer une pomme pour le dessert, nous entendons soudain un cri rauque dans les taillis à environ 20m du campement, près du chemin pédestre qui continue au-delà du campement.
Ma fille et moi nous figeons : « Qu’est-ce que c’est ? »
Le cri se répète encore une fois, et ma fille arrive à la bonne conclusion en même temps que moi : « C’est grand-papa ! ».
J’avais indiqué à mon père notre site de campement pour la soirée, et il nous a rejoint en début de soirée. Au lieu d’avancer à découvert, il a décidé de nous faire une blague en se cachant dans un buisson pour nous faire peur. Pour se faire pardonner, il nous amène un paquet de biscuit à partager.
Sidonie est toute contente de lui présenter notre campement et notre tente.
Nous restons à bavarder au bord du feu un moment, puis il repart par le chemin qui nous a mené jusqu’au camp, nous laissant seuls pour la nuit.

Après avoir pris une tisane, nous nous brossons les dents puis nous nous enfilons sous la tente pour la nuit.
Notre couchage
Cette nuit, nous dormons les deux dans un quilt !
J’ai demandé à Sidonie si elle voulait prendre son sac de couchage classique, ou si elle voulait tester mon quilt. Je sais qu’elle gigote beaucoup en dormant, et je la retrouve souvent à moitié à côté de son matelas pendant la nuit. Je voulais voir si le quilt lui convenait, et elle était motivée.
Pour ma part je testais cette nuit-là un nouveau quilt plus chaud, de la marque Zenbivy. Contrairement à mon quilt GramXpert, le Zenbivy Light Bed est attaché au matelas gonflable avec une sorte de « drap-housse », qui permet de tenir les bords du quilt le long du matelas, réduisant ainsi à zéro le principal défaut des quilts si on n’arrive pas à les ajuster correctement : les courants d’air latéraux.
Ce drap-housse existe en deux variantes : une ultra-légère (la Fast Sheet), et une avec un capuchon doublé (la Light Sheet). La première ne couvre que la moitié supérieure du matelas, et son capuchon n’est pas doublé. C’est celle que j’ai utilisée lors de cette sortie.

J’ai effectivement passé une nuit très confortable, avec l’impression d’être sous mon duvet à la maison. La capuche fine de la Light Sheet était bien adaptée à la température nocturne, et bien que le quilt soit donné pour une température de confort de -7°C, soit BEAUCOUP moins que la température cette nuit-là, je n’ai pas eu trop chaud, car j’ai pu le laisser partiellement ouvert sur les côtés.
Quant à ma fille, elle a également dormi confortablement…mais comme elle dort comme une souche quelle que soit les conditions, je n’arrive pas vraiment à déterminer si le quilt lui à mieux convenu que son sac de couchage habituel. Toujours est-il que je ne l’ai pas senti glisser de son matelas, et qu’elle n’a senti aucun courant d’air durant la nuit.
Pour ma part, c’est autre chose qui m’a grandement dérangé pendant la nuit…
Mauvaise surprise (2) !
Il y a des gens qui manquent vraiment de savoir vivre, et qui ne respectent pas la nature et l’environnement montagnard !
Couché depuis quelques heures, je suis soudain réveillé par un bruit de musique !
Je me rends compte assez vite qu’il doit y avoir quelqu’un dans les bois à quelques centaines de mètres de notre camp, probablement posé sur la route forestière que nous avons empruntée pour monter au camp.
Je ne sais pas trop quoi imaginer : quelqu’un qui a passé outre l’interdiction de circuler et est venu stationner sa voiture sur la route forestière ? Une bande de pote venant descendre des bières autour d’une enceinte bluetooth ? Des squatteurs occupant illégalement le chalet isolé situé quelques centaines de mètre au-delà du campement ?
Les goûts musicaux de ces fâcheux tournent principalement autour du heavy metal et du hard rock classique. Je me dis qu’ils ne doivent plus être tout jeunes quand j’entends Neun-und-neunzig Luftballons…
A nouveau, me voilà devant deux options :
- mettre mes boules quiès et me rendormir
- m’habiller, sortir de la tente, repérer les intrus et leur tomber dessus en hurlant
Sauf que voilà : j’ai oublié mes boules quiès (je me fais tout le temps avoir avec ça…), et il fait froid dehors, je me vois mal laisser Sidonie toute seule dans la tente, et je ne sais pas comment vont réagir ces gens s’ils voient un mec furieux sortir de derrière un sapin sans crier gare.
Donc, finalement, je ne fais rien.
Enfin si, je me cache la tête sous mon quilt, ravale ma frustration, et tente d’ignorer le bruit de fond.
Apparemment j’arrive à me rendormir malgré le désagrément, car je me réveille vers 5h du matin, et le silence est revenu.
Je me dis quand même que c’est terrible d’être monté jusque-là pour se retrouver dérangé par du tapage nocturne !
Sidonie, quant à elle, a dormi comme une couche comme à son habitude, et n’a même pas remarqué la musique. J’ai vraiment de la chance d’avoir une fille qui dort aussi profondément.
Voilà pour cette première partie de notre sortie de septembre.
Retenez ceci : si comme moi vous êtes parfois étourdis, faites des check-lists !
Je sais que c’est un de mes défauts : quand je pars en étant pressé, j’oublie toujours un truc, et je n’ai pas assez tendance à recourir à la check-list pour m’éviter des ennuis.
Si je l’avais fait ce jour-là, j’aurais eu une footprint et des boules quiès !
Dans la deuxième partie de la chronique, je vous parlerais de notre petit déjeuner et notre retour au véhicule, et vous présenterai mon kit au complet dans un excellent sac à dos.
Allez dehors, et essayez !
Sylvestre Grünwald
