Chère Lectrice, cher Lecteur,
Dans une lettre précédente, je vous avais présenté côte à côte la hache, la hachette et le tomahawk. J’avais évoqué les avantages et les inconvénients de chacun, et cité leurs usages spécifiques.
Aujourd’hui, je me focalise sur la hachette. Bien que son utilisation soit intrinsèquement moins dangereuse celle de la hache (moins de masse en mouvement, moins d’allonge = moins d’énergie en mouvement), elle présente quand même des risques que l’amateur de vie dans les bois se doit de connaître pour minimiser ses risques de blessures bêtes (et parfois graves).
Je l’ai déjà constaté plusieurs fois en voyant des gens autour de mois utiliser des hachettes, et j’ai moi-même commis certaines erreurs de manipulation pendant des années.
Je vous présente aujourd’hui une méthode sûre et fiable pour fendre du bois.
Quelques rappels des notions de base
Souvenons-nous qu’une hachette n’est pas une hache. Son manche est plus court, sa tête est moins large et moins lourde, et elle se tient à une main. Elle est donc moins puissante, et sera limitée au-delà d’un certain diamètre à fendre.
Du fait de sa petite taille, elle se prêtera mieux à un travail plus fin. A côté de son utilisation pour fendre du bois, on pourra ainsi l’utiliser efficacement pour former une pointe sur un bâton, voir pour détacher des fins copeaux de bois ou faire un « bâton à plume » (featherstick) pour allumer un feu.
Préparation du bois
Comme pour le batonnage, on aura toujours intérêt à préparer des rondins à la scie, de longueur uniforme. Mais si vous n’avez qu’une hachette, et pas de scie, vous pourrez quand même casser les branches ou les (petits) troncs en tronçons. Cette tâche sera bien entendu facilitée si le bois est bien sec.
Il y a quelques techniques différentes pour casser du bois, et ça méritera sans doute une lettre à ce propos un jour. Pour rester sur le thème de la hachette, je n’irai pas plus loin là-dessus aujourd’hui.
Le support pour travailler
Le support idéal pour travailler avec la hachette est une souche légèrement surélevée par rapport au terrain. Si vous êtes dans un environnement où aucun bûcheron n’est passé, vous vous rabatterez sur un tronc abattu, éventuellement une grosse branche, ou au pire sur le tronc d’un arbre debout (au risque d’abîmer l’écorce !).
Avec la hachette, et contrairement au batonnage, je recommande vivement de ne pas travailler sur une grosse pierre, car vous risquez fortement un contact entre la lame de la hache et la pierre !
La technique
Ce qu’il ne faut pas faire !
Je vais commencer par vous dire ce que je vous déconseille absolument de faire : tenir la bûche verticale sur le support de travail, et taper sur le bout de la bûche avec votre hachette !
Avec cette méthode, vous avez de très fortes probabilités de finir tôt ou tard avec la hachette sur les doigts, ou dans le poignet !
Si vous avez assez de dextérité et de précision pour enfoncer votre hachette d’un coup au centre de la bûche…vous n’êtes probablement pas en train de lire cette lettre !
La première position de frappe
Donc, la méthode que je recommande consiste à ne PAS frapper sur le bout du tronc, mais à poser la lame de la hache sur le bord du rondin, puis à frapper le bloc « hachette + rondin » ensemble sur votre support de travail.
La lame sera positionnée pile à l’axe du rondin, afin de le fendre en deux moitiés.
Après un ou deux coups bien dosés, la lame a en général pénétré dans le bois, mais sans ressortir complètement.
A ce stade, si le rondin est suffisamment fin ou court, il vous suffira de frapper encore quelques coups pour qu’il se fende.
Si le morceau de bois est plus épais ou plus long, vous pourrez faire deux choses pour finir de le séparer.
La deuxième position de frappe
Cette fois, vous positionnerez la hachette plus bas sur le rondin, et non plus à son extrémité. Vous glisserez la lame dans la fente créée lors de première frappe, et toujours en maintenant la hachette bien parallèle au rondin, vous frapperez à nouveau l’ensemble « hachette + rondin » sur votre support de travail.
Le levier
Alternativement, ou en complément à la deuxième frappe, vous pouvez utiliser la hachette comme levier pour séparer le rondin en deux. Si celui-ci est très épais, et que vous ne l’avez pas encore assez fendu en frappant, le séparer ainsi nécessitera beaucoup de force.
Le résultat
Vous voilà avec deux beaux demi-rondins, séparés de manière propre et net ! Vous pouvez maintenant continuer le travail, en les fendant à nouveau.
La suite
Vous poserez à nouveau la hachette bien parallèle sur le demi-rondin. Vous pourrez cette fois profiter d’avoir une surface plane. Notez sur la photo ci-dessous que le manche est au contact du demi-rondin.
Même processus qu’avant : frapper en bloc la hachette et le demi-rondin, sans les séparer.
Le demi-rondin étant plus fin, le processus devrait être plus facile. A nouveau, vous pouvez frapper plus bas sur le morceau en profitant de la fente créée lors de la première frappe, ou exercer un effet de levier avec la hachette pour écarter les deux morceaux.
Encore quelques mots…
Souvenez-vous que vous pouvez aussi utiliser la méthode du batonnage sur votre hachette. Vous l’utiliserez alors comme coin à fendre, pratiquement.
Dans cette situation, comme pour le batonnage au couteau, ce n’est pas la hachette qui se déplace, mais le gourdin avec lequel vous la frappez. Il y a donc moins de risque que la hachette soit déviée par le coup et finisse dans votre cuisse ou votre poignet.
Votre hachette vous servira également pour du travail fin : faire des copeaux, tailler une pointe…
Voici donc mon conseil pour utiliser votre hachette en toute sécurité : ne frappez pas avec la hachette seule !
Combiner en un bloc le mouvement de la hachette et du rondin vous garantit que la lame ne va pas dévier violemment.
Peut—être que cette méthode vous semble peu impressionnante, et certainement moins virile que de frapper très fort sur le bout du rondin, en le fendant d’un coup net…mais en situation de survie, vous ne pourrez en aucun cas prendre le risque de vous blesser gravement ! Donc soyez prudents et efficaces !
Allez dehors, et essayez !
Sylvestre Grünwald
