Chère Lectrice, cher Lecteur,
Voici la suite de mes aventures en Allemagne, où j’ai pris part à une mini-expédition guidée alternant randonnée et navigation en packraft.
Dans la chronique précédente, je vous ai parlé du premier jour en mode expédition, avec une demi-journée de marche et une demi-journée sur l’eau. Mon humeur et ma motivation étaient au plus bas à mon réveil, à la suite d’une nuit difficile, mais l’activité physique et la camaraderie m’ont rapidement remis en forme.
J’achevais mon récit à notre arrivée au château de Schmidtburg, avec une température descendant rapidement avec la nuit tombante…
Tombe la neige
Je passe une nuit moins mauvaise que la précédente (je ne dis pas qu’elle était bonne !). Je dors par intermittence, et me réveille périodiquement pour changer de position.
Je suis content d’être coupé des courants d’air, mais les ponts de froid sur les hanches et les épaules quand je me tourne sont quand même assez gênants.
Je sens la température de l’air baisser durant la nuit, et entends finalement le léger bruit des flocons qui tombent sur la toile de mon poncho-tarp.

Vers le matin, la luminosité augmente, et je comprends que je n’arriverai pas à me rendormir une fois de plus. J’entends mes camarades d’expéditions qui commencent à bouger dans leur tente.
Je vois qu’il a neigé quelques centimètres de neige pendant la nuit. Mon packraft dégonflé, le campement, et toute la colline du Schmidtburg est recouverte d’un blanc manteau. L’effet est magique, l’ambiance du lieu est époustouflante !

Je m’équipe directement de ma drysuit, en gardant dessous mes sous-vêtements thermiques en mérinos, un haut en mérinos plus épais, et ma doudoune. Me voilà très confortable, à part aux pieds !
Quelqu’un s’active à rallumer le feu, et je profite de la chaleur des flammes pour faire sécher un maximum mes chaussettes en néoprène et mes chaussures de randonnée.
Une fois habillé, je replie tout de suite mon « sanctuaire » : liner, quilt, matelas et sac de bivouac, ainsi que mon sac contenant mes habits secs pour la nuit.
Je m’attache ensuite à me nourrir. Ce matin, ce sera porridge.

C’est devenu un classique incontournable pour la randonnée et le bivouac : c’est léger à transporter, se mange chaud, et sur la base des simples flocons d’avoine, permet une grande diversité d’arômes et de goûts. J’ajoute toujours une à deux sortes de fruits secs (raisins, canneberges, morceaux de pomme…), une épice type cannelle ou poudre de cacao, des noix (pécan, cajou, macadamia…) et un peu de sucre complet. J’y mets également du lait en poudre. Le tout une fois réhydraté avec de l’eau bouillante, et laissé à reposer quelques instants dans mon cosy, me donne un solide petit-déjeuner !
J’accompagne cela d’une bonne tasse de thé.
Plier le camp et repartir sur l’eau
Ce matin, nous repartons directement sur la rivière. Il n’y a donc pas besoin de refaire le sac à dos, mais bien de remplir les deux sac étanches qui viendront se glisser dans les boudins du packraft.
Vu la météo et la mauvaise nuit que beaucoup ont passé (certains ne dormiront pas une heure des trois nuits en extérieur !), Sebastian nous accorde un départ tardif. Chacun s’active à ranger ses affaires et plier sa tente, et à préparer son embarcation.

Quand tout le monde est prêt, nous redescendons la colline du Schmidtburg jusqu’à la rivière. Il y a environ 500m de marche sur une descente rendue glissante par la neige fraîche. A nouveau, nous nous entraidons naturellement, les plus fringants aidant ceux qui sont plus lourdement chargés.
Une fois toute l’équipe au bord du cours d’eau, Sebastian nous propose une petite compétition de sprint pour nous réchauffer.
C’est son « truc » pour avoir chaud. Il le fait également avant d’aller au lit. Il court à fond, juste le temps de provoquer une réaction métabolique dans ses muscles, mais pas assez pour transpirer. Je relève le challenge, et me retrouve à courir dans un champ boueux et couvert de neige, vêtu de ma drysuit et de mon gilet de sauvetage.
Notre petit groupe offre un spectacle singulier : une dizaine de packrafts aux couleurs vives dispersés dans cette prairie saupoudrée de blanc, au pied de l’imposante ruine du château !

Nous mettons à l’eau dans le Hahnebach, sur lequel nous resterons jusqu’à midi. La navigation est plus aisée et il y a moins d’obstructions. Nous devons encore effectuer quelques portages car il y a quelques gués ou seuils qui ne sont pas franchissables, même avec le faible tirant d’eau de nos packrafts.

Vers 11h, nous passons devant une Forellenhof, un élevage de truites en bord de rivière. Jochen et un autre participant accostent, et vont acheter une dizaine de truites. Ils les ramènent dans un gros sachet sous vide, qu’ils transporteront dans le fond de leur bâteau, bien au frais.
La météo va gentiment en s’améliorant. Il y a encore quelques giboulées de neige au départ, mais le plafond nuageux s’éclaircit et se lève progressivement.
Nous naviguons jusqu’en tout début d’après-midi, et mettons finalement pied à terre au bord d’une grande prairie.
Nous faisons alors la transition packraft -> randonnée, et profitons de nous restaurer.
Voici la procédure:
- Sortir le packraft de l’eau
- Décrocher le deckpack, et en sortir un torchon (microfibre)
- Essuyer grossièrement l’extérieur du packraft, pour enlever un maximum d’eau et de salissures
- Dégonfler le siège et l’appui dorsal
- Ouvrir la fermeture étanche pour dégonfler le packraft
- En sortir les chaussures et le sac à dos, puis les sacs étanches
- Sortir des sacs étanches le gros sac de compression noir de 60 litre, qui va contenir tout le reste des affaires
- Transférer dans celui-ci les divers sous-sacs de compression et sacs de rangement
- Fixer le sac de compression noir sur le sac à dos
- Glisser les pagaies sur le côté
- Fixer le packraft sur l’arrière du sac
- Poser les chaussures d’eau et le gilet de sauvetage sur le dessus du sac, et tenir le tout avec le deckpack
La routine rentre vite, et mon paquetage est rapidement préparé. Je me change et quitte enfin ma drysuit. Je suis satisfait de retrouver mes chaussures de randonnée bien sèches (après les avoir laissées près du feu ce matin).

Pour le midi, je mange cette fois une purée de pommes de terre instantanée, préparée grâce au petit thermos d’eau chaude que j’ai rempli ce matin. Je poursuis avec un tortilla fromage/cornichon/mayonnaise. J’accompagne cela de morceaux de tofu fumé déshydratés. J’ai mon plein de lipides et de protéines.
Pour le dessert, nous pratiquons à des échanges : je propose mon chocolat suisse contre les amandes caramélisées de Sabine. Rudi refait le tour du groupe avec son tupperware rempli de boules au chocolat.
Sebastian ne mange jamais de chocolat ou de sucre, mais nous offre des noix de macadamia et de la mangue séchée.
Nourriture (presque) fraîche sur quelques jours
J’ai pu tester lors de ce voyage quelques aliments autres que les repas lyophilisés, notamment pour les midis, ou le temps était relativement limité pour se nourrir.
Outre un plat chaud (soupe ou purée), j’avais pris avec moi les ingrédients suivants, que j’ai combiné au fil des repas :
∙ Tortillas de blé complet : par paquet de 6, plats, se conserve relativement bien une fois le paquet ouvert, 2 par repas
∙ Cornichons au vinaigre : pré-coupés en tranches fines, et conservés sous vide. Apport un peu de croquant et des fibres végétales
∙ Fromage : un bon Gruyère d’alpage, se conserve très bien, apport des lipides, des protéines et du sel
∙ Tofu fumé déshydraté : un bon complément de protéine, agréables à manger, se conservent bien. Existent en version piquante ou douce
∙ Sachets de mayonnaise et de moutarde : permettent de relever un peu les tortillas.

Caractéristiques de tous ces aliments : ils sont tous compacts et empaquetés « à plat », ce qui est un net avantage pour les ranger dans le sac à dos.
Après-midi en mode randonnée
Comme à chaque transition, il faut se remettre dans le rythme, observer l’effet du poids du sac sur les épaules, trouver son souffle et sa cadence.
J’apprécie de pouvoir de nouveau discuter avec mes compagnons de balade.
J’enchaîne quelques kilomètres en discutant avec Simon. Il mesure deux têtes de plus que moi, et a choisi pour cette expédition de dormir sous une bâche plastique de jardin, qu’il installe à chaque camp pour se former une espèce de tunnel l’abritant du vent. Sous cela, il a un matelas gonflable et un sac de couchage avec une température de confort à -20°C. Je trouve cela courageux, et cela m’incite à discuter avec lui.
Il est, comme Sabine, infirmier de métier, et est en train de se former pour devenir accompagnateur en nature. Il a, comme moi, récemment suivi une formation de premiers secours en milieu sauvage. Nos échanges me font regretter de ne pas mieux parler allemand, car je me rends compte que l’Allemagne a une immense communauté d’adeptes des activités en extérieur (bushcraft, survie, trekking…), avec de nombreuses écoles ou formateurs, dont une bonne partie m’échappent complètement à cause de la barrière de la langue.
Sebastian se joint à la conversation, et j’apprends qu’il va bientôt suivre le cours de premiers secours donné par NOLS à Kandersteg, dans les Alpes Suisses, dont je vous avais parlé dans l’édition N°3 du Cercle APS. Cette formation est obligatoire, car LWA va bientôt organiser une expédition au nord du Canada.
Nous avançons sur un flanc de la vallée, et notre sentier nous emmène dans les hauteurs, d’où nous avons une belle vue sur le paysage collinéen du Hunsrück. La pente et la qualité du sentier sont variables, et nous devons parfois donner un bon coup de collet pour monter, ou baisser le rythme et assurer le pas pour redescendre.
L’environnement me rappelle un peu les collines au-dessus de chez moi : le milieu est séchard, avec des pins et des chênes, et des buissons épineux.

La météo s’améliore vraiment dans l’après-midi, et nous progressons enfin sous le soleil.
C’est Kian qui a hérité d’un des sachets de truite, et la vue des poissons accrochés à son sac à dos est assez amusante.
Arrivée au château suivant
Nous arrivons en fin d’après-midi à notre prochain site de campement : nous dormirons cette nuit dans les jardins du Schloss Wartenstein !
Sebastian a sympathisé avec l’intendant de ce petit château perché au-dessus de la ville, et celui-ci nous met à disposition les plates-bandes, les sanitaires et la place à feu pour la soirée.
Nous aurons donc à nouveau le plaisir de profiter d’une flambée pour socialiser, nous réchauffer et faire sécher nos affaires.

Chacun installe sa tente où bon lui semble dans la cour enherbée. Pour ma part je tente d’estimer la provenance du vent dominant (dans l’axe de la vallée, manifestement), et oriente mon poncho-tarp de telle manière à ce que son « dos », plaqué au sol par les sardines, soit face au vent. Je couvre l’autre côté en étant près du muret fermant la cour. J’aborde cette nuit avec confiance : la température nocturne s’annonce meilleure (autour des 3°C).
Je discute matériel avec Sabine, avec qui j’ai bien sympathisé. Elle a un des sacs les plus compacts et légers du groupe, et dort également dans un quilt. Nous échangeons quelques conseils et quelques noms de fabricants « garage grown » que nous aimons bien. Je lui emprunte son minuscule multi-outil Gerber Dime pour me couper les ongles des orteils (conseil : pensez à le faire avant de partir de chez vous !).
Sabine est familière avec les expéditions de Land Water Adventure, puisqu’elle en est au moins à sa sixième sortie avec Sebastian. C’est la troisième fois qu’elle fait la Hunsrück Adventure (et la première qu’elle voit de la neige !). Cet été, elle part en Albanie avec LWA, qui organise pour la première fois une expédition au Sud de l’Europe. Je me réjouis de voir ses photos !
Repas au feu de bois
La place à feu comporte une énorme grille suspendue à une chaîne, et nous pouvons mettre à griller les truites achetées dans la journée à la Forellenhof.
Vous souvenez-vous des deux petits pains et de l’échantillon de beurre que j’avais chapardé à l’hôtel où j’ai séjourné à mon arrivée en Allemagne ? Je me les trimballe depuis deux jours, et je peux enfin les sortir pour offrir une tournée de pain grillé. Quant au beurre, il vient compléter à merveille le sel aux herbes que Hilmar vient de produire de son sac.

J’accompagne la truite d’un plat de pâte à la sauce tomate et au thon, donc je vous ai donné la recette et la méthode de déshydratation dans une précédente chronique.

Les deux jours d’activité physique, et les nuits froides ont accentué mes sens et ouvert mon appétit : je me délecte de cette truite et de mes pâtes !
Je ne fais pas long après le repas, et vais rapidement me coucher. J’applique la technique de Sebastian, et pique un sprint jusqu’aux toilettes, pour élever la température de mon corps avant de me glisser dans mon abri.
Demain, la dernière journée de l’expédition nous attend, avec une longue marche pour retrouver la Nahe, qui nous mènera jusqu’au camp de base !
Cette 2e journée dans l’action était magnifique. Le réveil sous la neige dans les ruines du Schmidtburg, avec l’ambiance feutrée du petit matin m’a vraiment marqué.
J’apprendrai plus tard que l’expédition a failli s’arrêter là, mais que notre motivation collective, et nos sourires, ont convaincu Sebastian de continuer.
La navigation était plus facile, et la conversation avec mes camarades enrichissante.
J’ai vraiment trouvé ce jour-là ce pourquoi je m’étais inscrit !
Allez dehors, et essayez !
Sylvestre Grünwald
