Expédition en packraft dans le Hunsrück – Jour 1

Chère Lectrice, cher Lecteur,

Dans une chronique précédente, je vous ai présenté le packraft. 

J’ai eu la chance ce printemps de partir faire une mini-expédition guidée en packraft dans la région du Hunsrück, dans le sud de l’Allemagne.

Je vous parle aujourd’hui de mon trajet jusqu’en Allemagne, et du premier après-midi avec les guides, avant de nous lancer dans cette expédition.

Pourquoi cette expédition ?

J’ai découvert le packraft il y a quelques années, en commençant par pagayer sur lac avec mes enfants comme passagers. 

Après quelque temps j’ai acheté un packraft adapté pour l’eau vive, ai suivi quelques formations, et ai fait quelques sorties sur rivières. Mon but : acquérir suffisamment d’expérience en rivière pour pouvoir envisager de partir en expédition en milieu sauvage, avec de la navigation sur des rivières simples (Classe I-II), en alternant avec de la marche.

Avant de partir tout seul me perdre dans la toundra, je me suis dit que faire une expédition guidée serait sans doute une bonne idée. J’ai trouvé une petite compagnie de guides d’aventure (Land Water Adventure) basée en Allemagne, qui organise des expéditions longues en Scandinavie. Le prérequis pour pouvoir prendre part à ces expéditions, c’est d’avoir fait avec eux une expédition plus courte dans le sud de l’Allemagne. Très logiquement, j’ai sauté sur l’occasion, et me suis inscrit pour le Hunsrück Tour.

Le format est idéal : 4 jours au total, dans le sud de l’Allemagne donc pas trop loin de chez moi, un prix abordable, un niveau de difficulté en rivière pas trop élevé. L’équipe à l’air sympa, ils répondent rapidement à mes nombreuses questions, et leur site est en anglais.

Le trajet jusqu’en Allemagne

Le Hunsrück

Voici ma destination, le Hunsrück :

carte Hunsrück allemange
Carte par Thomas Römer, CC BY-SA 3.0, wikimedia.org

Je n’avais jamais entendu parler de cette région du Sud de l’Allemagne avant. 

C’est un massif montagneux (collinaire selon mes critères suisses) compris dans un triangle délimité par les villes de Koblenz, Trier et Bingen, et ceinturé par les rivières Mosel, Nahe, et par le Rhin.

Le Hunsrück est à environ 150km au Nord-Est de Metz (Moselle).

 

Un long trajet

J’ai environ 6h de train de grande ligne depuis la maison jusqu’à Mainz, près de Francfort.

Pas de bol : suite à quelques minutes de retard de mon premier train en Suisse, je rate ma correspondance à Lausanne, et prend ainsi une heure de plus sur mon trajet (heureusement, en route je peux écrire des chroniques à votre intention, ça m’occupe bien !).

Je transporte toutes mes affaires de camping, mon ordi portable, et un sac d’habits propres pour le retour, autant dire que je suis bien chargé !

sac a dos backpack sur banc
Mon sac (et mon repas du soir) sur un banc de la gare de Mannheim

Je mange mon repas du soir sur un banc dans une gare allemande quelconque, et j’arrive à Mainz tard et fatigué.

Le lendemain, je prends un solide petit déjeuner au buffet de l’hôtel (et je pique des petits pains et des barquettes de beurre…notez ce détail). J’embarque pour le dernier tronçon de mon voyage, sur une ligne régionale qui va m’amener jusqu’au site de rendez-vous, le camping de Nahemühle dans le petit village de Monzingen, situé le long de la rivière Nahe (sur laquelle nous naviguerons pour revenir à notre point de départ).

On trouve là la quintessence du packraft : sa portabilité. Imaginez vouloir faire la même chose avec un kayak ou un canoé : partir à pied de son domicile, monter en train jusqu’en Allemagne avec 4 correspondances, séjourner dans un hôtel urbain, le tout avec uniquement un (gros) sac à dos ! 

 

Arrivée au camping

Après une heure de train régional et 15 minutes de marche, j’arrive au camping, ou je trouve le camp de base de Land Water Adventure. Notre guide (qui est également le fondateur de LWA), Sebastian, m’accueille sur le site. Il est accompagné de Susanne, qui va aider à l’organisation du premier jour, et de Jochen, qui nous accompagnera sur l’expédition. Tous sont des aventuriers aguerris, avec de nombreuses formations de guide ou de sauvetage, et une longue expérience en milieu sauvage.

Les autres participants arrivent progressivement jusqu’à midi…et je me rends compte que je suis le seul qui n’est pas Allemand ! Vu qu’ils sont « entre eux » mes camarades d’expédition se parlent naturellement en allemand, et je comprends que je vais pouvoir réviser ma « langue de Goethe » pendant ces quatre jours (note : j’ai toujours été très mauvais en allemand durant ma scolarité, mais je me suis redécouvert un intérêt pour cette langue à l’âge adulte. J’ai perdu toute inhibition à ne pas parler correctement, donc je baragouine comme je peux, j’ai du vocabulaire qui ressort, je complète avec de l’anglais, et les Allemands apprécient beaucoup mes efforts, donc ça passe !)

Les participants

Le Hunsrück Tour s’adresse à quiconque est en bonne condition physique. Il n’y a pas de prérequis pour participer, ni de certificat médical à présenter. Un questionnaire permet aux participants d’annoncer leurs éventuelles conditions médicales (type allergie), et leurs expériences précédentes en navigation ou en camping.

Je ne sais pas si certains candidats sont refusés, s’ils présentent clairement des « contre-indications » à porter un sac de plus de 20 kg pendant 3 jours. 

A mes côtés durant cette session du Hunsrück Tour, il y avait huit autres participants, plutôt bien répartis entre les différentes classes d’âge. Les plus jeunes devaient avoir un peu moins que 30 ans, et le doyen de la troupe 68 !

Deux femmes parmi nous : Bea, plus jeune que moi, d’apparence fine et fragile, étudiante en langues asiatiques et Sabine, hyperactive et pétulante, ayant déjà pris part à de nombreuses expéditions avec LWA. C’est l’ex-femme de Rudi, dont je vous parle plus bas.

Il se dégage de certains participants une force brute impressionnante, et je sens tout de suite que ce sont certainement des gens bien habitués à l’outdoor. D’autres ne paient pas de mine, et semblent s’être équipés dans l’urgence.

Au final, tous iront au bout de l’aventure (sauf un, qui ne partira pas).

Et comme vous le verrez au cours des chronique suivantes, ce n’est pas tant les forces et les faiblesses de chacun qui ont prévalus, mais bien l’unité du groupe et un magnifique esprit d’entraide !

Après un mot de bienvenue, et un snack partagé autour d’une grande table, nous nous lançons dans le programme de ce premier après-midi.

Paquetage et dépaquetage

Les sacs à dos

Nous commençons par discuter matériel : Sebastian déballe devant nous l’entier de son sac à dos, et on discute pendant un moment de ce qui est utile est de ce qui ne l’est pas. Il nous propose quelques conseils de rangement, en tenant compte du fait que l’on va tous devoir transporter notre packraft, nos pagaies et notre gilet de sauvetage en plus de tout le matériel de camping et la nourriture pour les trois prochains jours. 

En fonction de son type de sac à dos et de la quantité de matériel de camping emportée, chacun trouve une manière plus ou moins stable de fixer l’entier du paquetage sur le sac.

J’apprends tout de suite quelques combines, permettant de mieux équilibrer et fixer la charge, notamment en utilisant mon deckpack (le sac étanche qui vient fixé sur l’avant du packraft sur la rivière) pour tenir et compresser mon gilet de sauvetage et mes chaussures.

Je me rends assez vite compte que je m’en sors vraiment bien au niveau du poids ! Je vois déjà certains de mes camarades avec des sacs absolument monstrueux (sac de rando de 80l, pleins, avec tout le matériel de navigue en guirlande par-dessus, alors que je m’en sors avec un sac de compression de 60l dans mon flexpack, qui permet de bien fixer le matériel de navigue sans qu’il bouge.

Je vois aussi quelques packrafters aguerris dans le lot, qui ont des sacs encore plus petits que le mien, et semblent rodés à l’exercice. 

 

Distribution des bateaux

Les participants qui n’ont pas la chance d’être propriétaires de leur propre packraft (environ la moitié du groupe) reçoivent maintenant leur matériel pour l’expédition : packraft, pagaies, gilet, combinaison étanche, et un énorme dry-bag.

gonflage dry suit
Essais des dry-suits et premiers gonflages (pour certains), pendant que je vois un bon thé chaud

Tous les packrafts en location sont du même type : simples ! Ils n’ont pas de « Internal Storage System », la grosse fermeture éclair étanche à l’arrière permettant de glisser les bagages dans les boudins du bateau.

Du coup, les participants ainsi équipés vont devoir fixer leurs sacs à dos à la proue du bateau, ce qui va grandement leur compliquer la vie pour le reste de l’expédition (changement de la répartition du poids, visibilité devant soi réduite, portage plus difficile…).

Première mise à l’eau

Une fois que tout le monde a son matériel, nous empaquetons chacun nos affaires au complet sur notre sac à dos, et partons à pied à travers le camping. Nous faisons une première petite marche d’environ vingt minutes, ce qui permet aux guides de vérifier que tout est bien ajusté, resserrer quelques sangles et donner quelques conseils.

 

Nous allons ensuite rejoindre la Nahe à environ 1km à l’amont du camping, ou nous nous « transformons » en navigateurs pour la première fois :

  • Enlever le sac à dos et poser à part toutes les affaires de navigation
  • Se changer (mettre la dry-suite, mettre les chaussures d’eau)
  • Transférer le contenu du sac à dos dans les dry-bags
  • Déplier le packraft, et y glisser les dry-bags
  • Y rajouter le sac à dos vide et les chaussures de marche
  • Vérifier qu’on n’a rien oublié dehors, fermer la fermeture éclair étanche, et gonfler le packraft
  • Fixer le deckpack à l’avant du bateau (et pour moi : fixer les bâtons de marche sous le deckpack)
  • Gonfler les sièges
  • Finir de s’équiper (enfiler la jupe étanche, mettre son gilet de sauvetage et ses gants)
  • Assembler sa pagaie
groupe personne bois foret
Toute l’équipe de pied en cap, sous les conseils de Susanne. Au premier plan à droite, mon packraft

Nous mettons ensuite à l’eau pour une première petite navigue d’environ 1h30, qui permettra là aussi à Sebastian et à Jochen de voir le comportement de chacun sur l’eau.

Rappelez-vous que certains participants mettent leurs fesses dans un packraft pour la première fois de leur vie ! Heureusement que ces petits bateaux se manœuvrent très facilement, et sont d’une prise en main assez instinctive. 

Nous pratiquons une série d’exercice de prise de courant et de prise de contre (= sortir du courant principal) et nous testons la stabilité des embarcations pleinement chargées. Nous redescendons ensuite la rivière, et passons un premier seuil qui fait office de tobogan. C’est amusant, et tout le monde franchit l’obstacle sans souci.

Sebastian nous rappelle que nous devons sortir en rive gauche de la rivière, pour rejoindre le terrain de camping où nous passerons la nuit. Il y a deux contre-courants successifs où nous pouvons sortir, et il insiste pour que nous laissions de la distance entre les bateaux, et que nous sortions rapidement de l’eau pour laisser la place au suivant. 

Malheureusement ce n’est pas du tout ce qui se passe, et nous nous retrouvons bientôt tous alignés les uns derrière les autres dans une partie un peu plus rapide de la rivière, à quelques dizaines de mètres à l’amont du premier contre-courant. Un arbre est récemment tombé de la berge, et un des participants, Vitor, navigue trop près du bord. Fatalement, il se prend dans la branche et chavire. Heureusement l’eau n’est pas profonde, et il a pied, mais son bateau part à la dérive, et il perd sa gourde qu’il avait négligemment laissé au fond du bateau (ne jamais laisser d’objet libre dans un packraft !).

Du coup c’est la gabegie, et un autre participant, Rudi, rate le contre-courant et continue à descendre. Il finira par accoster sur l’autre berge, à l’opposé du camping, environ 100m en-dessous de notre position, après avoir ramé comme un diable à contresens pendant 5 minutes. Rudi à 55 ans, un magnifique ventre à bière, porte un sac d’au moins 35 kg, et participe parce que son ex-femme, Sabine (une habituée des expéditions LWA), l’a convaincu que c’était amusant et qu’il devait essayer.

Au final rien de grave à part une gourde perdue, et nous finissons tous sains et saufs sur la berge. Nous déballons immédiatement toutes nos affaires et montons le camp, chacun dans sa petite tente. Je constate rapidement une grande diversité quant au choix du matériel de camping. Quelques participants ont des tentes une place MSR, un d’entre nous dormira sous une bâche plastique (même pas en silnylon). Certains semblent monter leur tente pour la première fois depuis longtemps, d’autre le font en un tournemain. Quant à moi, j’ai fait le choix du minimalisme, avec le poncho tarp dont je vous ai déjà parlé dans une chronique précédente, un sac de bivouac commandé à la dernière, et mon quilt sur un matelas gonflable bien isolé.

Une fois le camp monté, nous faisons un débriefing sur l’incident en fin de balade :

  • Les branches basses et les troncs dans l’eau sont un des principaux dangers à la navigation
  • En rivière c’est comme sur la route : il faut respecter les distances de sécurité, pour avoir le temps d’adapter sa trajectoire ou s’arrêter
  • Dans les passages avec du mouvement, il faut constamment rester attentif : rater un contre-courant peut avoir des conséquences graves, car il n’est peut-être plus possible de sortir facilement à l’aval, puis partageons une fondue au feu de bois.
  • Il faut apprendre à lire les subtilités du courant dans la rivière, cela permet parfois d’éviter de se fatiguer pour rien

L’équipe termine la journée un peu penaude : si chaque passage d’obstacle se déroule comme ça, l’expédition va être difficile !

Après cette partie formelle, nous partageons encore un moment convivial autour d’une fondue cuite au feu de bois.

fondue allemande feu de bois
Fondue au feu de bois « à l’allemande » !

Pour ma part, je vais rapidement me coucher, car je suis fatigué suite à mon trajet en train de la veille. J’espère pouvoir bien dormir pour être frais et dispo pour le lendemain, ou l’expédition commencera vraiment…malheureusement, ma nuit va être très mauvaise !

Voici pour ce long trajet et cette mise en jambe. Les participants ont l’air sympa, les guides compétents. 

Je pense que mes expériences précédentes de camping, de randonnée et de packraft me permettront d’apprécier l’expédition sans me mettre dans le rouge. Au niveau de l’équipement, je n’ai pas à rougir de ce que j’ai amené.

Je suis quand même un peu nerveux…et me réjouis de me lancer dans l’aventure pour de bon!

 

Allez dehors, et essayez !

 

Sylvestre Grünwald

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